François-Xavier Perin : "RATP Dev ne veut pas gagner un grand réseau urbain à tout prix"
Lors de sa première conférence de presse, le 7 février, le nouveau patron de RATP Dev a expliqué que la filiale de la Régie parisienne qui pousse ses pions en province et à l'étranger ne comptait pas se développer trop vite et "au-delà de conditions financières raisonnables". Allusion aux appels d'offres des grandes villes françaises qui pressurisent les prix pour la gestion de leurs transports publics. Du côté de l'étranger, les perspectives sont plus prometteuses.RATP Dev a dix ans, ce n'est plus une start up avait signalé mi-2012 son ancien dirigeant Jean-Marc Janaillac parti chez Veolia Transdev, c'est devenu une PME qui a engrangé 755 millions d'euros de chiffres d'affaires (dont 35% en France) et vise le cap du million en 2013. Mais la filiale de la RATP ne compte pas devenir un mammouth.
C'est en tout cas ce qu'a affirmé devant la presse son nouveau patron, François-Xavier Perin, le 7 février 2013 devant la presse. "Nous ne voulons pas gagner un grand réseau urbain à tout prix", a t-il insisté.
En toute logique, RATP Dev n'est donc pas en lice à Grenoble, en passe de renouveler le contrat de gestion de son réseau de tramways et de bus. Veolia Trandev et Keolis s'affrontent et le résultat de l'appel d'offres est attendu dans les prochains jours.
En France, RATP Dev n'a en portefeuille que des contrats de villes moyennes. Derniers en date, Boulogne-sur-Mer (ville dirigée par l'actuel ministre des Transports Frédéric Cuvillier), Moulin, Bourges, Châteaudun. Châtellerault et Châlons en Champagne sont dans le viseur en 2013.
A l'interurbain, l'entreprise qui procède par rachats de PME autocaristes (Cars Perier, Dunois, Jacquemard) ne cache pas ses ambitions si les occasions se présentent.
A l'étranger, la donne est différente, les marges étant plus confortables que sur l'Hexagone, et les perspectives de développement plus larges. Avec la Ville Lumière en toile de fond, la filiale de la RATP se vend plutôt bien sur la scène internationale.
Après une ligne du métro de Séoul en 2009, elle a pris les commandes d'un train entre Johannesburg et Pretoria (Afrique du sud) en 2010, du métro d'Alger en 2011 puis du tram en 2012, suivi du tramway de Casablanca en décembre. En 2013, ce sera au tour des tramways d'Oran, de Constantine, de Tucson (Arizona) et de Washington de rouler aux couleurs de la RATP.
Joint venture avec Veolia Transdev en AsieDepuis la fusion de Veolia et Transdev en 2010 qui lui a permis de récupérer des actifs en Europe, la Grande-Bretagne est l'eldorado de RATP Dev (35% de son chiffre d'affaires) puisque l'entreprise a hérité du réseau de bus London United qui, à l'époque était d'ailleurs dirigée par un certain... François Xavier Perin. Depuis, elle s'est développée outre-Manche par acquisitions, et aujourd'hui, elle surveille l'appel d'offres du Crossrail à Londres (liaison de type RER) comme le lait sur le feu.
Outre-Rhin, elle est sur les rangs pour exploiter des tronçons du S Bahn, le RER berlinois.
Le Maghreb est son autre terrain de chasse naturel mais l'entreprise vise aussi les pays du Moyen-Orient (un appel d'offres est en cours pour le tram de Dubaï), l'Amérique du sud (elle est déjà présente en contrat d'assistance technique du métro de Sao Paolo), et l'Asie où la joint venture avec Veolia Transdev déjà en place fait rouler le tram de Hong kong et les bus de Macao.
Le jour où RATP Dev pourra faire jouer son droit de préemption sur cette co-entreprise (suite à la recomposition du capital de Veolia Transdev en 2012, elle pourra le faire lorsque Veolia environnement en aura perdu le contrôle), elle ne s'en privera sans doute pas. En attendant, elle va faire rouler le métro de Manille dans le cadre d'un partenariat public-privé, sans Veolia Transdev.
L'Asie représente un fort potentiel de développement, admet François-Xavier Perin du bout des lèvres, "un possible portefeuille de 10 à 15% de notre chiffre d'affaires".
"Nous n'irons pas sur le grand urbain à perte"La France reste "une zone de développement légitime, avec une croissance de 11% en 2012", avance le nouveau dirigeant. Dans ce cas, pourquoi donc si peu d'empressement pour exploiter des réseaux hexagonaux à métros et tramways alors que la filiale de la RATP se vante de ce savoir-faire là pour se vendre à l'international ?
"Parce que ce qui compte, c'est la réponse locale, plus on grandit, plus la tension avec le local est tendue. Nous voulons rester flexibles, mobiles et réactifs".
Mais aussi et peut-être surtout, "Parce qu'en France, le modèle urbain a atteint ses limites avec un taux de couverture (ratio dépenses/recettes commerciales, ndlr) qui ne cesse de se dégrader", observe François-Xavier Perin. Et il connaît ses gammes. Ancien patron de la Semitag à Grenoble, il ne semble pas mécontent que l'entreprise qu'il dirige actuellement ne concourt pas ici, ou dans une autre grande ville hexagonale.
Modèle économique à bout de souffleSelon lui, les conditions financières des contrats de délégation de service public ne sont plus tenables pour les opérateurs qui se sont fait une guerre sans merci sur les prix afin de remporter des marchés de transport (les élus jouant la carte du moins-disant) mais qui ne gagnent plus d'argent. "Il n'y aura aucune légitimité à aller sur du grand urbain à perte, a insisté François-Xavier Perin. Nous sommes une entreprise jeune qui gagne de l'argent en France (1) mais n'a pas les moyens de prendre des risques". Fut-elle adossée au groupe RATP.
D'après un document chiffré distribué lors d'un tour de France entamé fin 2012 par l'Union des transports publics (UTP) et le Groupement des autorités responsables de transport (GART) pour sensibiliser les élus au modèle économique des transports publics à bout de souffle, les dépenses de fonctionnement des réseaux urbains progressent beaucoup plus vite que les recettes.
Entre 1999 et 2011, ceux où roulent des métros et des tramways ont vu les recettes augmenter d'à peine 2% alors que les dépenses par kilomètre ont bondi de près de 15%. Si bien que le taux de couverture est passé sous la barre des 30% en moyenne nationale (hors Paris et Ile-de-France) en 2011, contre 37% dix ans plus tôt.
Sous le poids des contraintes budgétaires, les collectivités locales transfèrent de plus en plus le risque commercial et financier sur les entreprises. RATP Dev qui vient de créer son club des élus (à l'image de Trans.Cité chez Veolia Transdev) compte visiblement prêcher elle aussi la bonne parole, pour tenter de préserver ses marges.
(1) Les résultats 2011 montrent un résultat net de 12 millions d'euros, un EBIT (profit brut avant intérêt et impôt) de 13 millions. Résultats 2012 attendus au printemps 2013.