Grands projets : la CUB joue à se faire peur
Pont Jean-Jacques-Bosc la semaine dernière, tram-train Médoc vendredi : les projets structurants sont de plus en plus attaqués par les élus, dans un climat politisé.À Vincent Feltesse qui émettait des doutes la semaine dernière sur la pertinence du projet de pont Jean-Jacques -Bosc en période de restrictions budgétaires, l'opposition a répondu du tac au tac, vendredi, en torpillant le projet de tram-train Médoc, l'un des dossiers phares du président de la Communauté urbaine (CUB). Lors de la séance mensuelle du conseil de CUB d'hier, c'est le Modem Jacques Mangon (Saint-Médard-en-Jalles) qui a ouvert le feu sur ce projet étroitement associé à la personne de Vincent Feltesse (1).
« C'est un dérapage » « Est-il raisonnable de consacrer une somme de 104 millions d'euros à ce projet ? a demandé Jacques Mangon. Les perspectives de fréquentation sont très faibles : 500 personnes à l'heure au mieux aux heures de pointe. La desserte risque d'être très exotique ! Ce projet est apparu au milieu des années 2000 et il s'est développé à une vitesse étonnante. La ligne D, qui doit toucher 80000 personnes entre Caudéran et Saint-Médard, n'a pas connu la même vitesse. Ce projet, il faut le décaler dans le temps ou le revoir complètement. »
Patrick Bobet (UMP, Le Bouscat) a pris le relais, avec des propos durs : « Quand on a parlé pour la première fois de ce projet, en 2006, il était évalué à 40M€. Aujourd'hui, à 104M€, on peut parler de dérapage. C'est dangereux ! » Nicolas Brugère (UMP, Bordeaux), enfin, a demandé aux membres du groupe Communauté d'avenir (l'opposition de droite, dirigée par Alain Juppé) de « bien réfléchir avant de voter » le projet.
Volant au secours de la majorité, le vice-président chargé des finances de la CUB, Ludovic Freygefond (PS, Le Taillan), a prévenu : « S'il y a des menaces sur ce dossier, il peut aussi y en avoir sur d'autres ! » Hurlements dans la salle. « Le stade ! Le stade ! », scandait le banc communiste. Alain Juppé (UMP, Bordeaux) est alors intervenu, non pour porter l'estocade mais pour calmer le jeu : « Je partage les arguments de Jacques Mangon, mais pour moi le tram-train Médoc est un coup parti, donc je vote. »
Escarmouches À remettre en question des projets structurants qui ont dépassé le stade des pré-études, on se demande à quoi joue la CUB. Réponse : à se faire peur.
Depuis que le président Feltesse s'est mis en position de jeter son dévolu sur la mairie de Bordeaux (en devenant député de la deuxième circonscription, comme suppléant de Michèle Delaunay), le climat s'est politisé au sein de la CUB. Les escarmouches se multiplient et la vieille règle de la cogestion, qui veut que les familles ne s'attaquent jamais frontalement, a volé en éclats.
Depuis trois mois, chaque camp essaie de faire peur à l'autre. Tu menaces mon pont ? Je fusille ton tram-train ! La crise financière fournit à ce jeu politique un terrain inépuisable. L'argent va manquer, nous devons faire des arbitrages, ne cesse de répéter Vincent Feltesse. « Commençons par consommer les crédits que nous votons », répond Alain Juppé, allusion au fait que la CUB n'affiche qu'un taux d'utilisation des crédits votés de 53%.
Peu avant le conseil de CUB, Vincent Feltesse avait rappelé à la presse qu'il attend toujours la réponse au courrier qu'il avait adressé au maire de Bordeaux, demandant le coût de la rénovation du stade Chaban-Delmas, comparé à celui de la construction du nouveau stade.
Bref, dans ce système de la CUB où un camp ne peut rien faire sans l'accord de l'autre, on commence à s'envoyer d'inhabituelles amabilités. Et l'arrivée de la période des arbitrages ne va pas rendre les relations plus sereines.
(1) Ligne de tram utilisant l'emprise d'une voie SNCF entre Bordeaux-Ravezies et Blanquefort, sur 7 kilomètres. Elle pourra accueillir indifféremment des tramways ou des trains.