Verbalisé pour avoir fait stopper le train
La famille Duval semble bien décidée à ne pas payer l’amende de 190 € eu égard aux horaires de correspondance que les parents considèrent comme irréalisables.
«La SNCF, c’est possible. » La famille Duval, résidant au Tholy, connaît bien ce slogan. Mais pour cette dernière, la compagnie ferroviaire est surtout capable de l’ubuesque. Et ce n’est pas le petit Théo, le fils aîné de la famille âgé de six ans, qui dira le contraire. « L’uniforme, pour lui, c’est fini. Il ne travaillera pas pour eux plus tard », déclare Céline, sa maman, avec une petite note d’humour.
Les raisons de ce rejet ? La bataille qui oppose depuis sept mois ses parents à la grande entreprise ferroviaire.
Tout a débuté le 10 juillet dernier, pendant un week-end au cours duquel le couple, et le petit Théo, est allé assister à un baptême dans la famille, du côté d’Amboise. Privilégiant le train au lieu de la voiture du fait que Céline Duval était enceinte, ce périple sur les bords de la Loire n’aurait dû déboucher que sur des souvenirs teintés d’heureuses émotions. Mais c’était sans compter sur leur voyage retour…
Les ennuis ont débuté au moment de la correspondance entre la gare Montparnasse et la gare de l’Est. Apparemment, le temps de battement entre les deux trains, de moins d’une heure, était à leurs yeux très « serré ».
« Nous avons fait au plus vite pour prendre le métro et rejoindre la gare de l’Est. Lorsque nous y sommes arrivés, il nous restait deux minutes pour prendre le TGV à destination de Nancy. J’ai couru avec mon fils afin d’arriver à temps sur le quai. Mais ma femme, enceinte de cinq mois, ne pouvait pas me suivre à la même allure, d’autant plus que nous avions déjà eu des ennuis sur une précédente grossesse… » explique Thierry Duval.
« Mon fils allait partir tout seul » Arrivé juste avant le départ du train, le mari dépose les bagages et Théo à l’intérieur de la rame. Il explique d’emblée au chef de quai que son épouse le suit à quelques encablures. Mais c’était visiblement sans compter sur la ponctualité intransigeante de l’agent… « Il m’a expliqué que de toute manière ma femme n’arriverait pas à temps et que si je ne montais pas, mon fils allait partir tout seul. » Une phrase entendue par le bambin qui a illico fondu en larmes.
Pendant ce temps-là, le train est sur le départ et les portes commencent à se fermer alors que Céline Duval est à 50 mètres de son wagon. Son époux emploie alors les grands moyens et appuie sur le bouton d’alarme afin de stopper la rame.
Un geste que n’a pas apprécié l’agent qui a immédiatement prévenu les forces de l’ordre. « Ces dernières ont mis près d’un quart d’heure avant d’arriver sur le quai… », affirme l’époux.
Après de multiples palabres, la famille a réussi malgré tout à monter dans son compartiment. Dans cette aventure, les autres passagers auraient visiblement pris partie pour la famille vosgienne : « L’un d’entre eux a même dit que c’était scandaleux d’appeler la police pour cela, qui plus est alors qu’il s’agissait d’une femme enceinte. Il a souligné que, sans cet excès de zèle, le train serait parti avec à peine une minute de retard alors que là, il était toujours à quai », déclare Céline Duval.
190 € d’amende Enfin à bord, la famille aurait pu penser que c’était là la fin de leur mésaventure ferroviaire. Mais là encore, une autre mauvaise surprise les attendait avec la présentation d’un procès-verbal de… 190 €, soit quasiment le double du prix de leurs billets.
Pour la famille, la pilule est indigeste, alors que leurs billets n’étaient ni remboursables, ni échangeables.
Considérant être victimes d’une injustice, Céline et Thierry Duval sont décidés à ne pas payer l’amende. « Ce n’est pas une question d’argent, mais de principe. C’est pourquoi nous avons écrit au service de recouvrement de la SNCF quelques jours après l’incident », affirme l’époux.
La réponse à leur requête leur est depuis parvenue… mais seulement la semaine dernière, et elle n’est pas vraiment à la hauteur de leurs espérances puisque la SNCF les somme de payer l’amende avant le 20 février, considérant que Thierry Duval a enfreint l’article 74 qui interdit à toute personne de faire obstacle à la fermeture des portières au moment du départ d’un train.
Leur salut, ils espèrent l’obtenir du côté du PDG de la SNCF, Guillaume Pepy, ou du directeur régional, voire même auprès du médiateur de la République, à qui ils ont également écrit. « Je vais relancer le médiateur car il ne nous reste que quelques jours avant l’échéance…», avoue Céline Duval encore très émue lorsqu’elle parle des jours qui ont suivi ce périple : « J’étais très affectée. Cela m’a occasionné des douleurs au ventre qui m’ont amenée à passer une échographie, mais heureusement tout allait bien », explique l’intéressée qui depuis a mis au monde une petite Jeanne.
Une heureuse nouvelle dans cette histoire qui ne semble pas prête de trouver son épilogue. Mais la famille Duval ne désarme pas pour autant.
54 minutes de battement« On nous a vendu des billets irréalisables. Il était impossible de prendre la correspondance au regard du temps imparti pour faire le trajet entre les deux gares, soit un peu plus de 50 minutes. »
Le couple Duval considère donc que c’était mission impossible de rallier la gare de l’Est en temps et en heure. Arrivé en gare de Montparnasse à 13h18, le couple avait très exactement 54 minutes pour rejoindre la gare de l’Est et leur TGV en partance pour Nancy.
« Le souci, c’est qu’il faut traverser toute la gare Montparnasse à pied avant de rejoindre le métro et se procurer les tickets. Nous ne sommes pas Parisiens, nous ne nous promenons pas avec des tickets dans les poches. Il a donc fallu faire la queue. Ensuite, nous avons dû presser le pas pour rejoindre le quai du métro. Ce dernier a mis un certain avant d’arriver », explique Céline et Thierry Duval qui, en arrivant en gare de l’Est, ont dû une nouvelle fois se dépêcher pour prendre leur correspondance qui se trouvait sur le quai le plus éloigné de la bouche de métro (n° 27).
Alors, 54 minutes, est-ce suffisant comme temps de battement ? La SNCF, elle, préconise 42 minutes pour rallier la correspondance nancéienne.
Mais les diverses péripéties involontaires aux voyageurs sont-elles prises en considération dans ce laps de temps ? Là est la question…
Une affaire dans l’impasse Contactée, la SNCF a confirmé avoir reçu le courrier de la famille Duval. Pour l’entreprise ferroviaire, le dossier ne semble pas simple à traiter étant donné qu’un PV a été rédigé. Ce dernier n’ayant pas été réglé, c’est le Trésor public qui aurait pris le relais. Pour la SNCF, si le couple refuse de s’acquitter de l’amende à échéance du 20 février auprès des services financiers de l’Etat, un traitement supplémentaire sera lancé ce qui engendrera un surplus à payer pour le couple. Bref, c’est le serpent qui se mord la queue…
Ceci dit, la SNCF a malgré tout saisi son service juridique avec une copie au médiateur de la société, afin d’apporter une réponse au couple Duval. Mais cette réponse ne se fera visiblement pas pour le 20 février. Aux dires des responsables, ce n’est pas un dossier plus prioritaire que les autres… Bref, pour Thierry et Céline Duval l’affaire semble pour l’heure dans l’impasse.