"Feu d'artifice pour les Romands"
RAIL La hausse des prix reste mesurée, mais le pire est à venir. Le point avec le directeur des CFF Andreas Meyer avant l'entrée en vigueur du nouvel horaire.Le directeur des CFF Andreas Meyer jubile. Il a donné mardi le premier coup de pioche au gigantesque chantier ferroviaire du Ceva, colonne vertébrale du RER qui rayonnera de Genève à la France voisine et au canton de Vaud dès 2017. "Tout l'Arc lémanique en profitera, s'enthousiasme-t-il. Nous allons développer l'offre de façon spectaculaire, également dans le reste de la Suisse romande. Ce sera un véritable feu d'artifice". Ces travaux auront cependant un coût. A lui seul, le chantier du Ceva est devisé à 1,5 milliard de francs dont 56% à la charge de la Confédération. Interview.
La prochaine hausse des tarifs qui entrera en vigueur le 11 décembre est relativement modérée, mais le pire est à venir. Selon l'Union des transports publics, les tarifs augmenteront de 20 à 25% d'ici à 2018. Votre but est-il de faire fuir la clientèle ?La clientèle veut que nous lui offrions davantage de places assises et nous allons répondre à cette demande. Les nouveaux trains à deux étages circuleront dès 2012 sur les lignes Genève-Lausanne-Vevey/Romont. Il y aura 33% de sièges supplémentaires. Seul le Valais devra patienter le temps qu'on adapte l'intégralité de la ligne, notamment le tunnel de Saint-Maurice. Sur la ligne Genève-Saint-Gall, on aura des trains ultramodernes à deux étages de 400 mètres de long dès 2014, soit 100 mètres de plus qu'aujourd'hui. Par ailleurs, la gare de Cornavin sera rénovée en 2013 et des investissements de 360 millions de francs sont prévus pour améliorer les infrastructures dans la région lémanique. Ces travaux auront forcément des répercussions sur le prix des billets mais ce n'est pas la seule raison. Le Conseil fédéral a décidé d'augmenter le prix du sillon. Cette mesure compte presque pour moitié dans les futures hausses de tarifs... Nous ferons tout pour limiter ces hausses et en absorber une partie, notamment en augmentant notre productivité.
Pour désengorger les trains aux heures de pointe, vous aviez aussi envisagé d'adopter des tarifs différenciés. Est-ce encore d'actualité ?D'une manière générale, je pense qu'il serait équitable de différencier les prix. Cela nécessite cependant des aménagements techniques, notamment la pose de chips sur les abonnements généraux et des instruments capables de lire les cartes de parcours. Cela prendra au minimum cinq ans avant que nous puissions présenter un projet. Je souligne que l'objectif n'est pas d'augmenter les prix aux heures de pointe mais de les baisser aux heures creuses.
Selon M. Prix, les CFF feraient un bénéfice excessif dans le trafic voyageurs...C'est une assertion que je ne comprends pas surtout lorsque l'on sait que les bénéfices sont intégralement réinvestis en faveur de nos clients. Chaque franc gagné est investi, rien ne reste dans l'entreprise. Au cours de ces vingt prochaines années, nous allons investir un milliard de francs par année dans l'achat de matériel roulant.
Il n'en reste pas moins que le trafic voyageurs compense les pertes du trafic marchandises... Il est vrai que le trafic marchandises ne couvre pas ses coûts. Nous avons perdu plus de 800 millions de francs au cours des dix dernières années. Notre but est de ramener le fret dans les chiffres noirs le plus vite possible, mais la force du franc ne nous aide pas. Cela pénalise le trafic international Nord-Sud.
Et sur le plan intérieur ?Notre principal problème est le réseau des wagons isolés. Il s'agit souvent de wagons livrés par des entreprises qu'il faut intégrer à un convoi. C'est particulièrement complexe là où la demande est irrégulière et d'un faible volume. Nous sommes en train d'analyser les points de desserte pour rendre le système plus efficace et plus économique. Si nous ne trouvons pas une solution avec nos clients, il appartiendra à la Confédération de se prononcer sur l'opportunité d'un subventionnement.
Le Parlement devra bientôt se prononcer sur un vaste projet d'aménagement des infrastructures ferroviaires qui prévoit des investissements de 3,5 milliards de francs d'ici à 2025. Les CFF ont déjà dit qu'ils jugeaient cette enveloppe insuffisante. Remettez-vous en cause la stratégie consistant à privilégier les besoins de la Suisse romande dans cette première étape, en particulier le milliard réservé au noeud ferroviaire de Lausanne ?En aucun cas. Les projets de la Suisse romande restent une de nos priorités. Par contre, notre rôle est de mettre en évidence les besoins du point de vue de la clientèle. Nous avons besoin d'une solution non seulement sur l'arc lémanique, mais aussi sur la ligne Est-Ouest.
"Non aux batailles rangées dans les trains" Les CFF viennent d'annoncer qu'ils pourraient taxer les bagages placés sur les sièges. Comprenez-vous que ce soit perçu comme une mesure tracassière ?C'est surtout un malentendu. Nous ne faisons que rappeler des règles de politesse élémentaires. Il s'agit d'inciter les gens à faire de la place aux autres usagers lorsque les trains sont bondés. Ce n'est absolument pas une façon détournée d'augmenter nos recettes.
Il y a des formes d'incivilité plus grave que les bagages sur les sièges. Les hooligans causent de gros dégâts. L'expérience de confier aux clubs le soin de gérer les wagons de supporters est-elle concluante ?Je suis heureux que les Young Boys de Berne aient accepté cette responsabilité. Nous en tirerons le bilan à la fin de l'année. D'une façon générale, je pense que les clubs ont l'obligation morale de nous aider à contrôler le comportement de leurs supporters. C'est inadmissible d'assister à des batailles rangées dans les trains. Je reçois des lettres de pères de famille qui me disent qu'ils ont dû cacher leurs enfants sous les sièges le temps que des hooligans se calment. Des mécaniciens se plaignent aussi d'agressions jusque dans les locomotives. Les clubs ne peuvent pas se contenter de dire que c'est l'affaire des CFF. Ils doivent s'engager. Je suis heureux que cette question préoccupe aussi les milieux politiques.
Par ailleurs, vous avez décidé d'armer la police ferroviaire. N'est-ce pas disproportionné sachant que les agressions sont en diminution.Non, les membres de la police ferroviaire disposent de la même formation qu'un agent de police. Ils sont entraînés à n'utiliser leur arme que dans les cas d'extrême urgence, pour protéger des usagers ou des agents de train. Porter une arme n'est donc pas disproportionné. Les contrôleurs font face à une agressivité croissante et nous devons prendre des mesures dissuasives.
C'est impensable de sortir un pistolet dans un wagon bondé...N'oubliez pas que des policiers armés patrouillent déjà aux heures de pointe dans les gares. La situation est comparable.
Il ne sera bientôt plus possible d'acheter des billets dans les trains intercity. N'est-ce pas un service en moins à la clientèle ?C'est surtout une façon de lutter contre les resquilleurs. Actuellement, sur de petits trajets comme Fribourg-Berne, certains passagers achètent le billet dans le train, quitte à payer un supplément, car ils font le pari qu'ils ne seront pas forcément contrôlés. Je vous rappelle que l'achat préalable du billet est obligatoire depuis longtemps sur les lignes régionales.
La commune de Morat a demandé des panneaux bilingues dans les gares. La question se pose aussi en ville de Fribourg. Pourquoi les CFF refusent-ils de prendre en charge les frais ?C'est une règle normale de causalité. Celui qui réclame un changement doit le payer. Il ne s'agit pas seulement de modifier le nom de la localité mais tout un système d'annonce. Nous sommes en discussion avec les autorités fribourgeoises.
Ce qui changera le 11 décembre
TARIFS L'abonnement général passera à 3350 francs en 2e classe (+50 fr.) et à 5350 francs en 1ère classe (+200 fr.). L'abonnement Voie 7 qui permet aux 16-25 ans de voyager gratuitement entre 19h00 et 05h00 passera à 129 francs (+30 fr.). Le prix des billets de 2e classe reste inchangé, de même que celui de l'abonnement demi-tarif. La hausse moyenne des billets de 1ère classe est d'environ 3%.
HORAIRES Le grand changement est attendu en 2013 avec l'introduction de l'horaire Romandie. En 2012, on assistera surtout à des ajustements de l'offre. Jura: réduction du temps de parcours vers la France grâce à l'arrivée de la ligne de TGV Rhin-Rhône et l'ouverture de la gare TGV de Belfort-Montbéliard.
Fribourg: lancement de la première étape du RER Bulle-Romont-Fribourg-Berne. Vaud/NE: un interegio supplémentaire le matin entre Lausanne et Neuchâtel. Renforcement aux heures de pointe sur la ligne Neuchâtel-La Chaux-de-Fonds-Le Locle, ainsi qu'entre Neuchâtel et Bienne. Genève: Etoffement de l'offre entre la Plaine et Genève aux heures de pointe. Valais: liaison Genève-Brigue-Milan avec composition doublée le week-end.