par Thor Navigator » 14 Nov 2022 2:19
L'explication est quand même moins simpliste, elle est multi-factorielle. On peut citer, de manière non limitative :
- l'alourdissement des procédures travaux côté GI qui ont fait perdre de l'efficacité dans la productivité des chantiers,
- une tutelle étatique qui ne raisonne que sous l'angle financier et bride Réseau dans des investissements qui permettraient de gagner ou regagner en efficacité (une des conséquences est que la maintenance courante reste à un niveau élevé et des grosses opérations tronçonnées),
- le durcissement des règles au niveau de la sécurité du travail privilégiant -bien au-delà du GI ferroviaire- l'approche parapluie, ce qui se traduit par exemple par des difficultés plus importantes à maintenir la circulation sur la voie contiguë (quand bien même la signalisation permet de l'exploiter dans les deux sens)
- des règles de fonctionnement interne au système ferroviaire français qui ne poussent pas à la responsabilisation du GI vis à vis des EF quant aux décisions en matière de travaux et la mise en jeu de logiques incitatives : de ce fait, le premier n'a pas d'intérêt économique à préserver au maximum le trafic, puisque les pertes de recettes de péage qui résulteront de choix plus pénalisants pour l'exploitation seront dans la plupart des cas moins importantes que la réduction du coût des chantiers qu'il obtiendra par le choix de la fermeture de ligne ou de la coupure simultanée (il y a quand même des exceptions, mais hélas qui ne poussent pas forcément dans le sens de la solution globalement la meilleure, pour la raison n°2 principalement)
- dans une certaine mesure, un fonctionnement qui tend effectivement à privilégier une forme de "minimisation" des contraintes, en logique mono-acteur...
Au final, du découpage et sous-découpage de travaux en de multiples séquences, avec des coupures longues de nuit, de jour, voire en plus de week-ends, régulièrement allongées comme dans le cas de l'artère Paris-Limoges-Toulouse, devenue familière de ce types de mesures depuis des années. L'appellation "Opération coup de poing" (OCP), durant laquelle on coupe tout, a dû sens quand elle est rare et a une occurrence faible sur les axes importants mais pose question quand elle tend à devenir fréquente, prend jusqu'à 4 jours et réduit à portion congrue l'offre de transport à longue distance des grands week-ends de migration. A se demander comment on est parvenu à maintenir le réseau français (peu maillé hormis sur le nord-est) jusqu'aux années 80, i.e. une époque où le niveau de maintenance (on n'utilisait pas encore le terme de régénération) était important, avec près de 1000 km de voies renouvelées par an. Où comment on a pu électrifier de grandes artères à DV sans fermer les lignes durant des mois entiers plusieurs années durant (cf. Gretz-Nogent/Seine-Troyes à titre d'illustration contraire, ou la modernisation du Sillon alpin sud, qu'on a fermé durant 3 ou 4 services entre 3 et 5 mois à chaque fois).
La nécessaire remontée en puissance des chantiers de régénération (qui reste à un niveau encore bien insuffisant d'ailleurs, vu l'âge moyen des composants du réseau français et les coûts de maintenance courante induits) ne saurait expliquer l'explosion des fenêtres travaux (appellation actuelle) depuis une quinzaine d'années. D'où un vrai casse-tête pour faire circuler des trains au long cours sur ligne classique, qu'il s'agisse de fret ou de voyageurs (cf. les difficultés à mettre en place une offre de nuit qui ne comporte pas un grand nombre de périodes dégradées voire sans circulations).