par Mr. Lessec » 26 Mai 2014 13:42
Le Shinkansen est sans conteste l’une des plus grandes réussites de l’industrie ferroviaire. Aidé par une géographie favorisant naturellement les transports ferroviaires, le Shinkansen dispose de qualités uniques qui ont permis aux JR de hisser ce réseau au premier rang mondial, avant d’être dépassé par le réseau chinois. Il est difficile pour le voyageur étranger de ne pas être en extase face à l'ingéniosité et le pragmatisme des ingénieurs de la JR pour maximiser l'efficacité et la performance financière du réseau Shinkansen.
Étant difficile de trouver des analyses du modèle, en tout cas après de rapides recherches Google en français ou anglais - dommage car il y a clairement des enseignements à en tirer - j'ai rédigé ce petit article afin de diffuser les meilleurs pratiques de l'exploitation ferroviaire.
L'analyse est découpée selon les trois composantes du réseau ferroviaire : matériel roulant, infrastructure et grille horaire. Ces trois éléments, appréhendes et optimisés de manière globale, permettent de maximiser l’utilité du système.
Matériel roulant
L’aménagement intérieur du train et la forme de la caisse ont été optimisés simultanément afin d’exploiter maximalement la surface offerte par le gabarit. En 2nde il y a ainsi 90 sièges par voiture de 25 mètres, à 5 de front, dans d’excellentes conditions de confort : large espace pour les jambes, couloir large et siège inclinable. Fenêtres et siège sont alignés garantissant à chaque voyageur la même visibilité sur l’extérieur, au prix certes de fenêtres moins larges.
La largeur du couloir permet de faire passer sans peine un trolley qui remplace avantageusement la voiture bar et permet la aussi une augmentation de la capacité.
Tous les sièges sont dans le sens de la marche grâce à un ingénieux système qui permet de retourner le dossier au terminus.
Pour le client, l'expérience est donc totalement prévisible car tous les sièges sont identiques. Comme dans un restaurant de chaine, le client sait exactement à quoi s'attendre : le voyage à suivre sera aussi agréable que le précèdent.
Les accélérations et freinages sont performants. Le renouvellement de la flotte est rapide : 10 ans en moyenne. Cela est permis par une forte rentabilité, découlant d'un fonctionnement optimisé, qui permet de massifier au plus vite les dernières technologies : vitesses augmentées à 320 km/h, pendulation.
Infrastructure
Le réseau Shinkansen est constitué de deux "tuyaux" indépendants du reste du réseau, le premier de Tokyo vers le nord et le second vers le sud. Cela pour des raisons géographiques (pays linéaire et multipolaire) et techniques (un réseau à grande vitesse impose un écartement normal alors que le reste du réseau est à voie étroite ; certaines lignes après conversion à voie normale voient passer des Shinkansen à gabarit réduit).
L'absence de branches permet une fréquence améliorée (jusqu'à un train toutes les 10 minutes entre les deux mégapoles Tokyo et Osaka) dont toutes les gares intermédiaires bénéficient.
Les vitesses ont été augmentées progressivement : de 210 km/h à 270 km/h sur les mêmes voies, mise en place de la pendulation.
L’entonnoir aux arrivées en gare et les voies à quai sont dédiées. A nouveau cela optimise les temps de parcours et limite des conflits. Ainsi dans de nombreuses gares intermédiaires (Okayama, Hiroshima, Nagoya) cela se matérialise par des viaducs dédies, au-dessus de la ligne classique, dans le centre-ville.
Grille horaire
La structure en tuyau permet des fréquences de type métro : retournement rapides (20 mn en gare de Tokyo), fréquences très élevés, détentes horaires limitées. L'absence de ces marges est possible grâce à l'approche de qualité totale : fiabilisation de chaque composant du système ferroviaire et maintenance préventive plutôt que curative. Réduire toutes ces marges, qui sont vus comme des gaspillages dans cette approche, permet de maximiser la rentabilité des voies et du matériel roulant qui constituent les coûts fixes principaux d’un réseau ferroviaire.
Le système permet également des voyages à la dernière minute de manière confortable : plusieurs voitures ne nécessitent pas de réservation et un écran au-dessus du front de vente permet de connaitre le remplissage des prochains trains au départ. Le système informatique performant assure des remontées statistiques qui permettent d'ajuster au plus juste la capacité à la demande, assurant un remplissage au plus proche des 100% en heure de pointe.
Enfin on ne peut pas s'empêcher un constat sur le service rendu pour compléter notre exposé : gares aussi propres qu'une usine de semi-conducteurs (et qui sentent bon !), attractivité des commerces en gare et personnel dévoue à la satisfaction du client.
Donc en résume : optimisation de toutes les composantes dans une réflexion globale sur le long terme. Voilà le fondement de l'approche Japonaise qui donne ici des résultats exceptionnels.
Cela permet de transporter 300 millions de passagers sur seulement 2 lignes, avec seulement 10 voies dédiées en gare de Tokyo, et une flotte de 393 trains. A titre de comparaison la seule gare de Lyon dispose de plus de 12 voies dédiées aux TGV, et une flotte d’environ 300 trains pour 100 millions de voyageurs.
J'espère que ce texte vous donnera envie de visiter ce pays étonnant et unique.
EDIT : merci à tous pour vos corrections et compléments. Je me suis permis de corriger les erreurs signalées.
Dernière édition par
Mr. Lessec le 23 Juin 2014 14:17, édité 2 fois.