Le projet de train touristique entre Sainte-Ménehould et Valmy n'est pas encore sur les rails…
L'avenir du transport de passagers sur la ligne 5 entre Conflans et Châlons est de plus en plus incertain.
Dans le cadre du projet d'Allée des couleurs, l'interco de Sainte-Ménehould se penche sur un nouveau dossier. Elle étudie la faisabilité d'un train touristique entre le complexe aquatique et Valmy.VERRA-t-on un jour un panache de fumée s'élever au-dessus de la gare de Sainte-Ménehould pour signaler le départ d'une locomotive à vapeur ?
Ce n'est pas exclu mais ce n'est sans doute pas pour demain. La semaine dernière, la communauté de communes de Menou (CCSM), puis le conseil municipal ont évoqué le projet pour la toute première fois.
De quoi s'agit-il au juste ? Peut-être d'un nouvel élément du concept d'Allée des couleurs. Ce tracé purement virtuel relie les nouveaux équipements de l'Argonne marnaise : le centre d'interprétation de Valmy, le complexe aquatique et sportif, la base kayak... Concrètement, il est prévu que des promeneurs puissent se rendre de l'un à l'autre sans avoir besoin de leur véhicule.
Étude préliminaireLes déplacements pourraient se faire à pied, à vélo, à cheval voire en voiture électrique. Bien sûr, une ligne ferroviaire suit également ce parcours. Elle est exploitée par la SNCF qui y fait circuler des trains de voyageurs et de marchandises. S'il existe de nombreuses incertitudes sur l'avenir du trafic sur la ligne 5, la circulation des trains y est toujours d'actualité.
Avant de s'intéresser à un projet de train touristique, la collectivité s'est rapprochée de Réseau Ferré de France, propriétaire des voies, et de la Région qui est compétente en ce qui concerne la desserte TER. « En gros, le conseil régional a répondu qu'il était d'accord à condition que cela ne lui coûte rien et RFF nous a indiqué qu'il ne s'opposait pas au projet à condition qu'il s'effectue à titre exceptionnel », expliquait Bertrand Courot devant les délégués communautaires.
Des contraintes de tailleA partir de là, l'interco s'est rapprochée de l'Union des exploitants des chemins de fer touristiques (Unecto) afin de bénéficier de son expertise. Dans un premier temps, par son intermédiaire, la CCSM a commandé une étude sur les conditions d'établissement d'un train touristique en Argonne. Coût de l'opération : 2960 euros pris en charge à 60 % par la commune de Sainte-Ménehould et 40% par l'interco.
Le tronçon ferroviaire concerné est limité à une quinzaine de kilomètres entre Menou et Valmy.
Un itinéraire qui avait été emprunté, à titre exceptionnel, l'année du Bicentenaire de la Révolution, pour transporter des passagers jusqu'au moulin.
Dans la configuration actuelle, il implique que l'exploitation d'un train touristique devrait s'effectuer dans les créneaux horaires laissés libres par la SNCF. Une contrainte importante qui sera sans doute évoquée par l'étude. Etude qui, comme le soulignait le président de la communauté de communes, ne porte pas directement sur le lancement d'une ligne. Il ne s'agit que d'un premier volet et d'autres suivront, en fonction des résultats obtenus.
Tout en avançant avec prudence, Bertrand Courot ne cachait pas être séduit par l'idée. D'autant que, selon le président qui a participé à l'assemblée générale de l'Unecto, « tous les systèmes s'équilibrent voire, quand il s'agit de train à vapeur, sont excédentaires. »
Si un chemin de fer touristique devait effectivement voir le jour en Argonne, l'interco a déjà envisagé que sa gestion puisse être proposée à une association, une entreprise privée ou confiée à la Société publique locale Socolor.
Reste à savoir si c'est faisable et si la rentabilité sera effectivement au rendez-vous…
Des kilomètres et des emplois Selon l'Unecto (Union des exploitants des chemins de fer touristiques), il existe aujourd'hui 80 sites en France qui proposent un train touristique. Cela représente 1200 km de voies ferrées et plus de 3 millions de passagers transportés. Toujours selon l'association, cela induit 800 emplois directs à temps plein. En 2008, au top 10 des principaux chemins de fer touristiques français, celui du Montenvers se taillait la part du lion avec 750000 passagers par an. Il faut dire qu'il s'agit du tortillard qui relie Chamonix à la Mer de Glace. Loin derrière, le petit train de la Rhune au Pays Basque pointe tout de même à 350000 passagers annuels. Près de chez nous, en baie de Somme, le chemin de fer accueille 130000 personnes.
Ligne de défense Hier soir, l'association Autercovec qui rassemble des usagers de la ligne 5 Conflans-Verdun-Châlons se réunissait en assemblée générale dans la Meuse. L'occasion de se mobiliser une nouvelle fois pour que la ligne perdure et soit mieux adaptée, en termes d'horaires notamment, aux besoins de ses usagers.
L'avenir de cette ligne est pour le moins incertain. Il n'y a pas si longtemps, le président de Réseau Ferré de France estimait à dix trains par jour le seuil d'alerte pour le maintien ou la fermeture d'une ligne.
Lors de l'évocation du projet de train touristique en conseil municipal la semaine dernière, Olivier Aimont a suggéré que la commune, en marge du projet touristique, prenne officiellement position pour la préservation du trafic voyageur sur la ligne actuelle.
Une proposition écartée par Bertrand Courot qui estime que l'intérêt de conserver « un mode de transport coûteux et qui profite à peu de gens » doit d'abord être étudié, chiffres de fréquentation à l'appui.
Le maire n'a toutefois pas caché que, selon lui, la voie actuelle était sans doute condamnée. Plusieurs indicateurs semblent aller dans ce sens, à commencer par le fait que la SNCF se défait progressivement de tout son patrimoine immobilier sur cette ligne, et notamment en Argonne. La gare de Sainte-Ménehould n'est pas à vendre mais ce n'est probablement qu'une question de temps…
Un exploitant du Train du Bas-Berry témoigne Cette année, le TBB a accueilli 8 000 passagers.
Le sud du département de l'Indre et l'est de la Marne ont bien des points communs. De jolis paysages, une démographie pas franchement florissante, des attraits touristiques méconnus et des lignes de chemin de fer plus ou moins à l'abandon.
L'expérience de la Société pour l'animation du Blanc-Argent (Saba) se révèle donc pertinente à l'heure de réfléchir à l'installation d'un train touristique en Argonne. Certes, les données de base ne sont pas exactement les mêmes.
Chez eux, tout commence en 1988. A cette époque, la fermeture de la liaison SNCF entre les villages de Luçay-le-Mâle et Buzançais est imminente. Une poignée de personnes se mobilisent au sein d'une association, la Saba. Leur action aboutit à la reconnaissance de l'intérêt de la ligne sur le plan du patrimoine. Concrètement, en 1993, la voila inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. La dépose de la ligne est évitée. Reste à la faire revivre.
Pendant pratiquement huit ans, tous les week-ends, les bénévoles se relaient pour défricher à la main les 27 km de rails. En 1995, un syndicat intercommunal achète les emprises et confie à la Saba l'exploitation du futur train touristique qui prend le nom de Train du Bas-Berry (TBB). L'association se procure également du matériel qu'il faut remettre en état. « Nous avons récupéré deux locomotives en Belgique et acheté une machine à vapeur qui venait de la baie de Somme. Celle-ci a été entièrement refaite et cela nous a coûté près de 250 000 euros », se souvient le trésorier de la Saba, Jacques Maligne.
Les trains n'ont commencé à circuler qu'en août 2003. Depuis, ils fonctionnent essentiellement les dimanches et fêtes de juin à septembre. « Cette année, nous avons eu 8 000 passagers. Ce n'est pas extraordinaire », regrette Jacques Maligne. S'il confirme que l'exploitation dégage un peu de bénéfice, il insiste aussi sur le fait que l'ensemble repose sur des bénévoles.
En outre, il souligne que l'association a eu un gros coup de pouce : une aide d'un million d'euros allouée dans le cadre du Pôle d'excellence rurale. Concernant le projet de l'Argonne et ses contraintes de base, Jacques Maligne n'a qu'un mot à dire : « Je leur souhaite bon courage ! ».