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Rail-concurrence : le coup de poker de Guillaume Pepy
Dans un courrier au Premier ministre dont Mobilicités s'est procuré une copie, le patron de la SNCF interpelle le gouvernement sur le double cadre social dans le secteur ferroviaire qui naîtrait de la signature d'une convention collective fret, avant celle du transport de voyageurs. Elle devait être soumise à la signature des organisations syndicales le 28 juin 2012. Parfait timing pour semer le doute chez les cheminots et tenter d'influencer Matignon.
Ce devait être pour le 28 juin 2012. Après trois années de négociations entre l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) et les organisations syndicales, la signature finale de la convention collective du fret devait être bouclée juste avant l'été.
Patatras, le 1er juin, Guillaume Pepy, président de la SNCF, envoie un courrier au Premier ministre Jean-Marc Ayrault et à son ministre du Travail, Michel Sapin.
Objet de la missive : "Recours gracieux contre le décret du 27 avril 2010 instituant un double cadre social dans le secteur ferroviaire". Recours gracieux, pour ne pas dire abrogation.
Ce décret a entériné l'accord paritaire conclu sous l'égide de l'UTP : il fixe la durée de travail des salariés des entreprises privées de fret ferroviaire (ils sont environ 2 000) qui relèvent du droit du travail. A l'inverse, l'organisation du travail des agents de la SNCF (congés, repos, récupération, temps de service etc.) découle d'une loi de 1940 et est formalisée par des textes internes à la compagnie ferroviaire publique, les "RH".
Signature de la convention collective reportée
Avant de soumettre à la signature des organisations syndicales l'ensemble de la convention collective du fret ferroviaire s'appliquant aux salariés du privé, l'UTP attendait de conclure avec elles le dernier volet, celui sur la prévoyance (la CFDT voulant se prononcer sur le texte global, et non pas accord par accord).
La date du courrier de Guillaume Pepy n'est donc pas anodine : juste avant la signature de cette convention collective qui servira de base à celle du transport ferroviaire voyageurs en vue de l'ouverture à la concurrence des lignes TER et des Trains d'équilibre de territoire imposée par Bruxelles d'ici à 2019.
L'UTP préfère rayer la date du 28 juin de son agenda, "Dans l'attente de la réponse du gouvernement aux questions soulevées par Guillaume Pepy", avance prudemment Bruno Gazeau, délégué général de l'organisation patronale qui compte parmi ses adhérents à la fois la SNCF et les entreprises ferroviaires privées (Euro Cargo Rail, Europorte, VFLI, EurailCo, Colas Rail).
"Les autres accords (organisation et aménagement du temps de travail, contrat de travail et classifications, formation, ndlr) sont signés, étendus et ils s'appliquent", observe toutefois Sylvette Mougey, directrice du département des affaires sociales à l'UTP.
"Dumping social"
Selon Guillaume Pepy, la démarche des pouvoirs publics sous la présidence de Nicolas Sarkozy a consisté à "retenir un périmètre excluant les personnels de la SNCF, conduisant à faire coexister deux régimes sociaux concurrents au sein d'un même secteur d'activité (...) Le volet fret va donc entériner des écarts considérables de situation et de conditions d'emploi entre les salariés, selon qu'ils relèvent du privé ou de l'opérateur historique (la SNCF, ndlr)", poursuit le patron de la compagnie publique.
Qui considère que le risque de "dumping social" hypothèque l'avenir de Fret SNCF, lequel n'est déjà très rose avec plus de 400 millions de pertes en 2011.
"Dumping social", l'expression a toutes les chances de résonner aux oreilles d'un gouvernement de gauche, a peut-être pensé le patron de la compagnie ferroviaire publique qui prône un "cadre social harmonisé" pour le secteur ferroviaire.
Du côté des organisations patronales, UTP et Afra (Association française du rail), on s'accorde sur la nécessité d'une loi pour encadrer la négociation d'une convention collective du transport ferroviaire de voyageurs. Pour que cette fois, la SNCF et les entreprises privées se retrouvent autour de la même table des négociations.
Fin août 2011, dans la foulée des Assises du ferroviaire, le gouvernement Fillon avait justement chargé le président de la section sociale du Conseil d’État, Olivier Dutheillet de Lamothe, de mettre en place un groupe de travail pour imaginer l'harmonisation de l'organisation du travail dans toutes les entreprises ferroviaires, SNCF et privées.
L'enjeu, c'est de définir clairement les conditions de transfert des agents de la SNCF si l'entreprise publique perd un marché contre un nouvel entrant, mais aussi de s'assurer que l'organisation du travail soit la même pour les cheminots du public et du privé. Sans toucher au fameux statut des agents SNCF. Difficile exercice d'équilibre.
Dans son courrier, Guillaume Pepy évoque un rapport de Dutheillet-Lamothe et affirme que les modalités techniques d'un cadre social harmonisé y sont instruites. Ce rapport n'a pas été rendu public.
Matignon goûte peu l'initiative
La démarche déplaît évidemment aux autres acteurs du rail, ils la considèrent comme un coup de force du président de la SNCF. Mais surtout, elle a été très mal ressentie par le gouvernement - et notamment par Matignon - tant sur la forme que sur le fond, selon une source proche du dossier.
A l'évidence, Guillaume Pepy a court-circuité ses ministres de tutelle et cherché à dicter sa ligne ferroviaire au nouveau gouvernement.
Bis repetita
Ce n’est pas la première fois que Guillaume Pepy cherche à remettre à plat l’organisation du travail dans le rail. Il s’y était déjà essayé fin 2010 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Ne souhaitant pas que la SNCF agisse directement, il avait alors tenté de convaincre un syndicat cheminot, la CFDT, d’attaquer devant le Conseil d’État la convention collective fret, en cours de négociation.
Cette approche pour actionner un syndicat n’a jamais été niée par le président de la SNCF ni par François Nogué, alors DRH du groupe. Elle avait suscité une crise profonde au sein de la fédération FGTE CFDT, une partie des troupes étant tentée de franchir le pas. Après analyse juridique des implications d’un recours, suivi d’un vif débat interne, le syndicat avait finalement refusé d’agir
"Si nous avions conduit ce recours gracieux, en tant que syndicat, nous nous serions tiré une balle dans le pied. Car cela aurait pu conduire au final à faire tomber les fondements juridiques – le décret-loi de 1940 - dont découle l’organisation du travail qui s’applique aux agents roulants de la SNCF," indique un responsable de la fédération. Le Conseil d’État aurait alors pointé l'existence impossible de deux réglementations du travail, et conduit à remettre en cause celle de 1940".
La concurrence des TER préconisée
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) suggère d'expérimenter à partir de 2015 la mise en concurrence des trains express régionaux (TER), dans un projet d'avis examiné mercredi en assemblée plénière. Ces premiers tests devraient être menés à échelle réduite, dans "trois à six régions" et seulement sur certaines lignes, préconise le document.
Une réglementation européenne de 2009 impose aux États membres d'être en mesure de procéder à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire régional en 2019, au terme d'une période transitoire de dix ans.
Rémi Wrote:Salut
Ce n'est qu'une préconisation du conseil économique social et environnemental : on verra ce qu'en fera le ministère. Cependant, difficile ne contourner une expérimentation alors qu'il y a un besoin de transport fort et un problème budgétaire pour les Régions qui ne peuvent plus financer au prix actuel des renforcements comme jadis. Bref, il faut stimuler une concurrence et essayer de développer de nouvelles logiques d'exploitation plus économiques sur des lignes rurales d'une part, et en péri-urbain d'autre part (soit parce qu'il faut abaisser le coût par voyageur, soit parce qu'il faut développer beaucoup d'offre).
A+
Rémi
Rémi Wrote:Par ailleurs, on sait très bien que la mise sur route de dessertes ferroviaires entraîne d'abord un report vers des solutions individuelles et marginalement vers les services routiers de substitution : quitte à être sur la route, autant être dans MA voiture et partir à l'heure que JE décide. Si l'objectif est de maintenir des voyageurs dans le giron du transport en commun, il faut s'y prendre autrement.
Rémi Wrote:Salut
Peu d'exemples, mais les substitutions longues pour cause de travaux entraînent généralement une évaporation du trafic.
François Wrote:Rémi Wrote:Salut
Peu d'exemples, mais les substitutions longues pour cause de travaux entraînent généralement une évaporation du trafic.
En fait je me doutait de cette réponse![]()
Sauf que tu sais très bien la mauvaise organisation des cars travaux et les conditions dans lesquelles ils sont réalisés. Ce n'est donc pas comparable à une substitution totale d'une desserte ferroviaire déclinante et souvent peu adapté aux attentes des clients. C'est pour cela que je ne partage pas cette "logique" selon laquelle il y a obligatoirement baisse de fréquentation pour les raisons que j'ai évoqué. Dans tous les cas ce n'est pas démontré. Bien au contraire, l’autocar peut être parfois plus performant qu'une liaison routière et permettre de favoriser le report modal. Ce que je veux dire c'est qu'il n'y a pas de vérité temps qu'elle n'a pas été appliquée et si les CR se mettent à optimiser leurs moyens financiers et ne réfléchissent plus leurs transports uniquement sur le mode ferroviaire, l'offre peut être attractive. Mais c'est sortir d'un modèle idéologique et de béatitude qui n'est peut être pas encore totalement compris par les élus (et leurs conseillers). La rigueur budgétaire le décidera peut être pour eux.
François Wrote:Je partage globalement ton avis Rémi.
L'objectif c'est le pragmatisme, l'ouverture à la concurrence se fera; aux pouvoirs publics de l'accompagner.Rémi Wrote:Par ailleurs, on sait très bien que la mise sur route de dessertes ferroviaires entraîne d'abord un report vers des solutions individuelles et marginalement vers les services routiers de substitution : quitte à être sur la route, autant être dans MA voiture et partir à l'heure que JE décide. Si l'objectif est de maintenir des voyageurs dans le giron du transport en commun, il faut s'y prendre autrement.
Pour ma part je ne le savais pas.
Peux tu nous donner un exemple précis d'une récente fermeture totale de ligne (je ne parle pas des années 80-90) qui a entraîné une diminution de fréquentation suite à la bascule sur autocar. Cette "logique" implacable me parait en effet surprenante aujourd'hui d'autant que je ne me souviens pas de beaucoup de fermeture totale avec transfert sur route. Pour les lignes ferroviaires qui auraient fermées, il n'y avait plus grand monde dans les trains (0 + 0 c'est toujours = à 0).
Libération du 27/06/12TER : l’ouverture à la concurrence s’éloigne
Réaction à chaud de Frédéric Cuvillier, ministre des Transports, après l’avis adopté hier par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur l’ouverture à la concurrence des TER (trains express régionaux), qui prône une expérimentation début 2015 dans trois à six régions : «Nous n’allons pas nous soumettre à des obligations [de Bruxelles, ndlr] qui n’existent pas, rappelle-t-il. Cette saisine du Cese émanait du précédent gouvernement dans une logique d’ouverture rapide à la concurrence, et cette perspective n’est pas forcément la nôtre !» Un peu plus tôt, le rapporteur pour le volet social de l’avis, Thierry Lepaon (CGT), avait mis en garde : «Au Cese, on s’est contenté de répondre à la requête de NKM [l’ex-ministre des transports]. Mais c’est au gouvernement de décider si cela vaut le coup de tenter cette expérimentation.» Le voilà donc rassuré. Comme le sera sans doute Alain Rousset, le patron de l’Association des régions de France, qui a répété au Cese que les régions ne sont «pas demandeuses de cette libéralisation», même si le monopole de la SNCF a des défauts.
Rémi Wrote:Salut
Parallèlement, la cour des Comptes estime indispensable un sévère dégraissage des dépenses publiques. En matière ferroviaire, l'objectif pour les TER est de faire "plus" en volume pour "au mieux aussi cher" en coût. Le modèle actuel présente l'avantage de ne pas trop agiter les "partenaires sociaux", mais l'inconvénient de brider toute recherche d'optimisation de la dépense, sauf en taillant dans le volume des dessertes. En clair, c'est soit le coût d'une entreprise en situation de monopole légal, soit l'autocar.
Pas sûr que les opposants à l'expérimentation de la DSP sur des périmètres ciblés soient les meilleurs promoteurs d'un chemin de fer économiquement rationnel et adapté à l'évolution de la demande.
A+
Rémi
viadi Wrote:Et pendant ce temps, cette même société que l'on veut protéger à tout prix, part à l'étranger faire concurrence aux opérateurs historiques, parfois de façon "reglementée", parfois de façon "frontale", ce qu'elle empeche à tout prix de faire ici!
viadi Wrote:La preuve que la SNCF veut tout controler le transport public en france!
L'esprit de cette filiale est simple : les riches dans les trains, les pauvres dans les cars scolaires!
Ou alors direction une gare perdue au milieu de nulle part, 45 minutes d'attente sur les quais!
Déja qu'ils se réduisent comme une peau de chagrin, ce sera fini des Prem's et autres tarifs attractifs!
Et pour les régions ce sera les régions riches qui auront les moyens de payer les tarifs dictés par la SNCF, le train
Les régions pauvres, le car!
Le fameux "service public à la française"!
Heureux les italiens et autrichiens qui ont des trains de qualité et un choix d'offre... grâce à la SNCF!
heu pour l’Italie ça bouge bien également....
titre perso je ne suis pas optimiste pour les petites lignes
IdBUS est aussi le moyen d'expérimenter la solution du car
Le Monde.fr du 20/07/12La SNCF pourrait perdre 30 % de parts de marché sur les TER d'ici 2022
La SNCF pourrait perdre d'ici dix ans jusqu'à 30 % de ses parts de marché sur les trains régionaux (TER) et 40 % sur les Intercités (grandes lignes, hors TGV) en raison de l'ouverture de ces activités à la concurrence, indique vendredi 20 juillet le quotidien Les Echos – qui ne cite pas ses sources.
"Selon le plan d'affaires 2013-2017 examiné par le conseil d'administration [de la SNCF] fin juin, l'entreprise anticipe des pertes de ses parts de marché importantes en 2017, et encore plus en 2022, sur les segments d'activité sur lesquels elle sera mise en concurrence", indique le journal, précisant qu'il "ne s'agit pas là d'objectifs que se fixe l'entreprise, mais bien de la situation qu'elle s'attend à vivre".
"DES PARAMÈTRES CRUCIAUX À PRÉCISER"
Le quotidien économique souligne que "ces projections (...) sont à prendre avec beaucoup de précautions (...) des paramètres cruciaux restant à préciser – à commencer par la date de l'ouverture à la concurrence".
En décembre dernier, Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre des transports, avait annoncé le lancement à partir de 2014 d'une "expérimentation" visant à ouvrir à la concurrence le marché des TER et des TET (trains d'équilibre du territoire).
Le nouveau gouvernement n'a pas encore indiqué s'il comptait ou non maintenir cette date mais le ministre des transports Frédéric Cuvillier a indiqué qu'il allait examiner "avec la plus grande attention" les récentes propositions du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur ce dossier.
Dans un récent avis, l'institution suggère d'expérimenter à partir de 2015 la mise en concurrence des TER. Ces tests devraient être menés à échelle réduite, dans trois ou six régions et seulement sur certaines lignes, selon le CESE. Une réglementation européenne de 2009 impose aux Etats membres d'être en mesure de procéder à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire régional en 2019.
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