CHAMBÉRY Retour au tribunal après le blocage de trains
Mikaël Chambru bloquait-il les trains ou couvrait-il la manifestation, le 2 novembre 2010 à Chambéry ? La question ne se pose pas pour le directeur de la Voix des Allobroges Brice Perrier, qui publie ses reportages, et leur avocat, Me Olivier Connille.
Il y a l’avocat, M e Olivier Connille, en noir, bien apprêté. Il y a, assis à côté hier, le jeune prévenu, Mikaël Chambru, et le directeur de la publication La Voix des Allobroges, Brice Perrier. Eux portent la barbe de quelques jours, abandonnent volontiers leurs cheveux au vent.
Ces trois-là retrouvent aujourd’hui la case “tribunal correctionnel”. Le 2 novembre 2010, entre 8h10 et 10h40, alors qu’une cinquantaine de personnes bloquent les voies SNCF, à la sortie de la gare de Chambéry, l’appareil photo des policiers de l’identité judiciaire isole six visages. Cinq leaders syndicaux, Pascal Clauzel, Max Cuaz, Alain Goubet, Bernard Marcon, et Freddy Mazuer, ainsi que celui de Mikaël Chambru, contributeur bénévole au journal en ligne “La Voix des Allobroges”.
Journaliste ou pas ?Après plainte de la SNCF (132 trains impactés, 46 000 euros de préjudice), les six se trouveront prévenus de “blocage des voies”. Jugés à Chambéry le 27 janvier, tous ont été relaxés.
“Appel”, a renvoyé le parquet du procureur, ce qui vaut aux six hommes un second procès, cet après-midi à 14 heures à Chambéry.
Un procès, mais deux affaires, dirait-on. Celle des cinq militants syndicaux, pour une manifestation de soutien a d’ailleurs été programmée à midi place du Palais-de-Justice. Puis celle de Mikaël Chambru et, par capillarité, de La Voix des Allobroges menacée de disparition à cause des frais de justice. Alors ils énumèrent les soutiens : Syndicat national des journalistes, Reporters sans frontières, François Ruffin, Étienne Prigent, Robert Ménard, Gilles Meunier, Denis Robert… qui lui-même, ancien de “Libé”, dénicheur de scandales attitré, ne possède pas de carte de presse.
C’est le premier “hic” de l’affaire. « À l’audience, la vice-procureure a expliqué que Mikaël n’avait pas de carte, donc qu’il n’était pas journaliste, donc qu’il n’avait rien à faire là », raconte Brice Perrier. Son avocat enquille et dégoupille : « Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur le sujet depuis longtemps. On fait œuvre de journalisme si l’on est sérieux, rigoureux, indépendant. Pas avec une carte. »
Le SNJ ne dit pas autre chose, se basant sur la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme, et cela excite Brice Perrier : « Condamner Mikaël serait créer un précédent, un déni de liberté d’expression ! »
Le deuxième point qui coince, c’est M e Connille, qui l’explique, encore et encore. « Quand vous vous trouvez dans cette situation avec une caméra, vous êtes là pour faire un reportage ou bloquer des trains ? Curieusement, l’enquête de police n’a pas tenu compte du fait qu’il était reporter. Curieusement, les enquêteurs n’ont produit qu’une photo coupée au torse, où l’on n’aperçoit pas sa caméra ».
Contre l’intéressé, en première instance, deux mois de prison avec sursis avaient été requis. Plus une amende. « Espérons que le parquet aura changé d’avis… » soutiennent-ils.