Train Paris-Granville. Comment sauver la ligne SNCF et ses garesL'association des usagers de la ligne Paris-Granville assure que ce train a de l'avenir. A la condition notamment de ne plus faire appel à la SNCF…
Prenant le train de Paris à Bourth puis à Verneuil depuis bientôt une vingtaine d’années, Pierre Formé, le président de l’association des usagers de la ligne Paris-Granville, en connaît bien les travers. « En 2016, il a totalisé 2087 retards, soit 564, 04 heures et 16, 13 mn par retard. En 2017, on est passé à 2149 retards, soit 511, 04 heures et 14, 16 mn par retard. Pour 2018, on en est déjà à 145 retards, soit 56, 46 heures et 23, 29 mn par retard », précise-t-il. Pour autant, il reste très attaché à ce train et pense même qu’il a tout l’avenir devant lui… moyennant quelques changements.
TGV plus cher
« En faisant revenir les voyageurs et avec un coût d’exploitation moindre, la ligne pourrait être rentable », assure Pierre Formé, pointant du doigt les 10 M € de déficit annuel de la ligne exploitée par la SNCF.
Pour faire gonfler le chiffre d’affaires, il est persuadé qu’il faut une nouvelle desserte du Mont-Saint-Michel. « Pourquoi ne pas proposer aux voyageurs un Paris-Foligny-Pontorson sans changement, avant de prendre le bus pour rejoindre le Mont-Saint-Michel ? Cela se ferait en 3 h 24, mais ce serait bien moins cher que d’y arriver par Rennes en TGV puis en car, ce qui ne fait gagner que 42 mn », propose Pierre Formé.
Le Mont-Saint-Michel
Pour les usagers se rendant à Granville, deux solutions : soit ils descendent à Foligny pour une correspondance, soit l’avant de la rame se décroche à Foligny pour rejoindre Granville, tandis que l’arrière de la rame continue vers Pontorson pour celles et ceux allant au Mont.
Or, capter les voyageurs de ce Mont-Saint-Michel dans ce train moins cher que le TGV, ça changerait tout. « Cette destination attire un peu plus de 2 millions de visiteurs l’année, soit 6 180 à la journée. 9 % y arrivent en train, ce qui représente 557 visiteurs. Et si tous prenaient le Paris-Granville, ils rempliraient deux trains. La moitié, cela ferait un train complet », explique-t-il.
Desservir Alençon
Ce n’est pas tout. Pour attirer encore plus de voyageurs sur cette ligne, Pierre Formé propose d’inciter les usagers d’Alençon à se rendre dans la capitale par un train Le Mans direction Caen qui, par une voie actuellement inutilisée et à remettre en route, contournerait Surdon et rejoindrait ainsi la ligne Granville-Paris : « ça ferait un trajet direct, moins cher et moins long », assure-t-il.
Mais « problème, ces deux dessertes à réaliser (Le Mont-Saint-Michel et Alençon) feraient concurrence au TGV de la SNCF », signale Pierre Formé.
Sauf que cette difficulté ne se poserait plus si un autre opérateur était retenu après 2020 avec l‘ouverture à la concurrence imposée par l’Europe. 2020, c’est aussi l’année où la Région se verra confier toute l’exploitation de la ligne Paris-Granville (elle avait déjà en charge les TER, elle aura en plus les Intercités), le réseau restant toutefois propriété de la SNCF.
Cahier des charges
La Région pourra alors, dans le cadre d’un appel d’offres et, selon un cahier des charges bien précis, déléguer l’exploitation à un opérateur alternatif, ce que souhaite vivement Pierre Formé. « Avec l’endettement de 44 milliards d’euros de SNCF réseau, gestionnaire des infrastructures et d’un peu plus de 8 milliards de SNCF Mobilités, en charge de l’exploitation des trains, très franchement, mieux vaut essayer un autre exploitant, on n’a rien à perdre » estime-t-il.
Et qui dit opérateur alternatif, ne dit pas forcément opérateur privé et uniquement étranger. « Il existe par exemple, Transdev, entreprise française multinationale, filiale à 70 % de la Caisse des dépôts et consignations et à 30 % de Véolia ». Elle est donc financée presqu’aux 3/4 par des fonds publics.
Bref, pour Pierre Formé, prendre un autre opérateur travaillant avec les trains de la Région, ne pourrait qu’aboutir à « un coût d’exploitation moindre ». Du même coup, « il pourrait supporter une hausse du droit de péage du réseau, surtout si les voyageurs reviennent avec les nouvelles dessertes ».
Gares animées
Le cercle vertueux se remettant en marche, Pierre Formé pense que les gares pourraient même être maintenues, y compris les plus petites, « avec des boutiques et/ou des services, ce qui permettrait une présence humaine en cas d’absences de guichets et d’éviter ainsi que les distributeurs de billets ne soient vandalisés. Et à partir du moment où ils ne sont plus la cible de malfrats à cause de la présence d’autres activités, on pourrait en mettre partout là où il n’y a plus de guichets », suggère-t-il. Il pense aussi à l’équipement de distributeurs avec visiophones dans les gares, ce qui assurerait une présence semi-humaine. En clair, les gares doivent être attractives, pas vides.
Pas de petites lignes
Tout cela amène Pierre Formé à avancer qu’il n’y a pas de « petites lignes », comme le dit le rapport Spinetta proposant de les fermer, mais plutôt « une mauvaise gestion de l’opérateur historique qu’est le mastodonte SNCF, devenu incapable de remplir sa mission de service public ».
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