IVAN Wrote:Et encore, SUD n'existait pas. Il n'y a que la France où des syndicats se comportent encore comme des soudards et sont encore imprégnés d'idéologies mortifères, stalinisme ou trotskysme. C'est la même chose dans l’enseignement avec SNES et SNESSup.
Aussi curieux que cela puisse paraitre, il n'y a pas de grandes grèves spécifiques à la SNCF entre 1920... et 1986. 1948 et 1968 sont liées à un contexte général et 1953 est le produit d'une erreur (je suis poli) du gouvernement Laniel qui pensait profiter des vacances pour s'en prendre aux régimes spéciaux des retraites (déjà !) . Il y avait un syndicat corporatiste de conducteurs assez redoutable, la FGAAC, qui défendait ses seuls adhérents, et de préférence ceux aux échelons les plus élevés. Les autres syndicats s'occupaient de co-gestion. Chacun avait son implantation forte dans les services et variant selon les régions. Finalement, personne n'avait intérêt à se mettre à dos la direction.
1986 est un coup de tonnerre car la grève part spontanément des jeunes, en dehors des syndicats et dans la région la moins attractive, Paris-Nord. S'il y a simultanéité avec le mouvement étudiant, il n'y a pas de coordination puisque le mouvement étudiant a été organisé dans l'entourage du président de la République. Des organisations syndicales spontanées se créent, qui donneront plus tard la structure de SUD. Les centrales syndicales traditionnelles vivent très mal cet épisode, hormis la CFDT. Cette dernière va y passer en 1995, alimentant à son tour les bataillons de SUD. La CFDT qui aura, par contre, le bonheur d'avaler la FGAAC à la faveur des lois scélérates de Sarkozy en 2008.
Le pouvoir de nuisance des syndicats SNCF est tombé très bas. On ne peut même plus dire que la SNCF et son alter-égo la RATP puissent paralyser la région parisienne puisqu'on a inventé le télé-travail. Ailleurs, cela ne change pas grand-chose à la vie quotidienne. Le véritable pouvoir est désormais au volant des 44 tonnes. Les trains peuvent s'arrêter un mois mais avec les chauffeurs routiers, il faut discuter au bout d'une semaine, en général au prix de quelques compensations pour leur seule profession.
Ce sont donc des centrales syndicales déstabilisées qui vont en plus subir la fin du régime de co-gestion. Concurrentes et privées en partie de leurs moyens d'action en co-gestion, donc réduites à suivre tous les mouvements d'humeur de leur base, au risque de la perdre. Et sans grand pouvoir d'opposition dans un contexte d'atomisation du personnel en micro entités.
Il y a bien des idéologies mortifères mais le chemin de fer avait très bien résisté pendant 66 ans aux sirènes du moustachu géorgien et à celles de son pire ennemi liquidé au pic à glace(*). Les idéologies mortifères se trouvent plutôt du côté de l'Union Européenne et des gouvernements, et derrière eux des banquiers et de toute la finance véreuse. Loïc Le Floch-Prigent dit qu'il n'y a pas de marché du ferroviaire en Europe, tout comme il n'y aurait pas de marché du gaz ou de l'électricité. Donc que l'ouverture à la concurrence est du vent. L'ex-roi du pétrole français n'est pas particulièrement gauchiste pour dire ça.
(*) Et cela ne date pas d'hier, voir les réactions des cheminots devant ravitailler Paris en pleine insurrection de la Commune en 1871, pas loin de partager l'avis de monsieur Thiers sur les "sauvages". Loin de la solidarité prolétarienne !