Eurostar Italia Wrote:Oui enfin, la liberté de l'automobile c'est aussi les embouteillages, les minutes perdues à chercher à se garer, le stress de la conduite à côté de gros bahuts, etc...
Oui, ça fait à la louche 30 voire 40 ans que le côté libérateur de l'automobile est dépassé par son côté aliénant.
Quand je vois les 2 couples de beaufs qui ont remplacé les 2 voisins décédés de mes parents (qui totalisaient en moyenne suivant les époques 1 voiture par couple) : l'un avec ses 5 véhicules (garés sur la voie publique ou sur la propriété d'un autre voisin, pas chez lui, hein, de nos jours c'est visiblement de plus en plus has-been d'assumer les contraintes de la possession de véhicules personnels en les garant dans son garage ou sa cour, c'est vachement plus libre d'occuper gratuitement l'espace des autres), l'autre avec ses 7 à 8 véhicules dont 3 4x4 qui occupent toute la surface de son terrain (+moto +quad pour faire bonne mesure) : ça doit faire au total au bas mot 20 ou 25 années de SMIC, 20 ou 25 putains d'années de travail au SMIC qui sont garées là dont une partie en train de pourrir, alors je veux bien qu'on me parle de passion, mais qu'on ne vienne pas me dire que c'est le moins du monde rationnel, les 2 termes étant antinomiques à la base. Sans déconner, je dois pouvoir vivre tranquillement jusqu'à la fin de mes jours rien qu'avec le pognon qui est garé à quelques mètres d'ici, c'est un non-sens total.
Quand on arrive dans le quartier on a l'impression d'arriver chez un concessionnaire ou dans une casse. Parce si les autres ne sont pas aussi atteints, ça se répand un peu partout tout de même, le fait d'avoir plus de véhicules que de personnes. C'est vachement rationnel. Et joli avec ça.
Les piétons, eux, ils doivent marcher au milieu de la route. C'est sûrement rationnel, comme gestion de l'espace.
En 2 ans je n'en ai vu aucun arriver ou sortir de leur baraque à pied ou à vélo. Pas une seule fois en 2 ans. Le centre du bled et les commerces sont à moins de 400 m. J'ai le temps de faire l'aller-retour à vélo qu'il n'a pas fini de sortir sa voiture (pour celui qui les rentre à moitié). C'est sans aucun doute une gestion rationnelle du temps et de l'argent.
Les agriculteurs du coin qui passent la moitié de leur journée à se balader en tracteur (qui ne porte ou tracte jamais rien) ou en 4x4, à défoncer les routes et les chemins puisqu'il roulent par tout temps sur des chemins sans fondations qui ne sont pas faits pour ça et que je double systématiquement à vélo, c'est très rationnel comme façon de dépenser son temps, de brûler son gasoil et de demander à la collectivité de réparer leurs conneries.
Ah mais quelle liberté il doit avoir dans ces déplacements, mon beauf d'à côté avec ses 8 bagnoles. Ouais, ben moi j'ai été en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, j'ai visité 90% des pays d'Europe et 90% des régions de France, j'ai vécu et travaillé pendant des années à 4000 km de la France, et quelques mois à 8000 km, j'ai sillonné toutes les routes, les chemins et les sentiers de la région ; 99,99% de tout cela sans conduire un kilomètre. Mais j’admets que je me prive de la liberté de l'aller-retour bi-hebdomadaire à l'hypermarché et de rouler bourré en rentrant du énième barbeuc du samedi soir chez le collègue qui habite à 1,5 km . Ah qu'est-ce que j'envie sa liberté !
Je peux regarder dans ma famille aussi. Certains à la retraite depuis très longtemps, qui font néanmoins 50 à 60 km de moyenne par jour dont 90% sans raison pratique.
D'autres qui rachètent une voiture à une personne qui n'a pas conduit depuis 10 ans et qui n'est plus raisonnablement en état de le faire.
Un autre qui a une ligne de tramway à 200 m de chez lui qui le dépose à 50 m de son travail mais qui prend sa bagnole tous les jours et cumule les PV pour stationnement interditet autres infractions.
D'autres qui sont 3 (de la même famille, donc) qui habitent dans une maison et qui vont travailler tous les jours au même endroit à 50 mètres près : c'est faisable à pied mais un peu long donc pas pratique tous les jours, OK, mais c'est parfait à vélo (environ 2 km, soit 5 à 10 mn en se traînant), il y a une ligne de bus directe qui part à 80 m de la maison et qui dépose à 50 m du travail. Bilan : pas un seul ticket de bus d'utilisé dans l'année, pas un seul vélo dans le garage, mais tous les matins et tous les soirs un grand cirque qui dure une dizaine de minutes pour sortir et rentrer non pas 1 voiture, non, non, non, mais les 3 voitures , messieurs dames, dans le bon ordre et aller les garer sur le trottoir, ce qui est interdit et où il n'y a pas toujours la place, ce qui implique d'aller plus loin ; et ce grand cirque suit ou précède tous les matins et les soirs une tentative de trouver un itinéraire un peu différent pour éviter les néanmoins inévitables et quotidiens bouchons sur les 4 km : eh oui, le trajet en voiture est 2 fois plus long qu'à vélo et oblige quel que soit l'itinéraire à passer par des axes et des goulets bloquants, temps passé à râler ou à contempler le nouvel accrochage du jour. Ah, quelle liberté ! quelle efficacité ! quel plaisir !
Ceux qui «descendent-en-province-pour-les-vacances» comme 10 millions d'autres parisiens au même moment et qui au bout de 5 heures de bouchons et quelques pauvres dizaines de kilomètres parcourus font demi-tour avec toute la petite famille qui est dans le véhicule depuis le matin pour retourner dormir chez eux et réessayer le lendemain. Ou la même en prenant un hôtel (€€€) à 80 bornes de chez eux alors qu'il leur en reste 600 à faire. C'est tellement pratique.
La plupart des utilisations de l'automobile n'ont aucun caractère rationnel, et beaucoup sont carrément pathologiques, pathologie de l'habitude, pathologie de l'individualisme, pathologie souvent de la bêtise humaine tout simplement. Les motivations sont la plupart du temps bancales, auto-justificatrices (ah le fameux « faut bien que j'amène les gosses à l'école »), les contraintes sont pour la moitié oubliées et pour l'autre moitié de plus en plus reportées sur l'extérieur, la collectivité, les autres.
Eurostar Italia Wrote:Par contre, il y a une évolution qu'il va falloir anticiper : c'est l'arrivée des voitures à conduite automatique. Quant à connaître les conséquences de cette révolution sur les transports publics, honnêtement, je sèche.
Ah ça, ça me met en rage : on semble avoir fait des progrès gigantesques en ce domaine en l'espace d'à peine quelques années, alors qu'il faut gérer une quantité phénoménale de paramètres, une infinité de variations d'entrées plus analogiques, aléatoires et imprévisibles les unes que les autres, et pas mal de moyen d'actions à choisir. Et à côté, on a le rail : avec en tout et pour tout 2 moyens d'actions : accélérer et freiner, et UN putain de paramètre à gérer : « est-ce qu'il y a quelque chose (train ou anomalie) sur la voie devant moi », le tout dans un espace qui peut essentiellement se réduire à une seule et unique dimension ; bref, absurdement simple à automatiser par rapport au transport routier. Mais qu'est-ce qu'on constate en réalité : dès qu'il faudrait faire passer plus d'un pauvre train par quart d'heure sur une voie, « houlala vous ne vous rendez pas compte, qu'est-ce que c'est compliqué, qu'est-ce que ça va être comme travaux, qu'est-ce que ça va coûter cher, houlala ». La-men-table. Mais bon, quand j'ai travaillé là-dedans, la réponse standard à toute interrogation était « Dans le ferroviaire, c'est comme ça. ». Ah, alors bon, faut surtout pas essayer de chercher des améliorations, alors qu'il y aurait un boulevard pour ça. Je sens qu'on risque d'avoir du transport de fret automatisé sur quelques routes et peut-être même plus du tard de l'individuel ou du frêt automatisé sur toutes les routes alors que rien n'aura encore bougé d'un iota sur le rail.