Arnaud68800 Wrote:Ce qui saute aussi aux yeux sur cette carte, ce sont les performances généralement relativement médiocres des lignes non électrifiées. Sauf oubli de ma part, j'ai l'impression qu'il n'y a que la ligne 4 Paris - Mulhouse (il manque d'ailleurs un bout sur Lure - Belfort), Paris - Granville et Coutras - Périgueux qui présentent de longues sections parcourables à plus de 140 km/h. Mis à part ces trois, on note certes quelques sections sur Nevers - Chagny, autour de Clermont-Ferrand et la ligne de Mont-de-Marsan, mais elles restent relativement isolées.
Avec la déferlante des AGC et celle en cours des Regiolis, l'époque où seuls les CC72000 et les turbotrains pouvaient atteindre les 160 km/h est bel et bien terminée, donc la question que je me pose est : n'y aurait-il pas des relèvements intéressants à faire sur certaines lignes non électrifiées ?
La première explication à ton constat, c'est que les axes les plus performants ont, à quelques exception près, été électrifiés. Des marges de progression dans la tranche de vitesse-cible 150/160 sur des axes sans ficelle, il y en a encore mais l'essentiel a été fait, avec ou sans mise sous caténaires. Ou alors cela passe par des reprises lourdes de l'infrastructure... Le travail d'analyse hiérarchisant les potentialités de l'infra tel qu'évoqué par Pascal a bien été réalisé... au milieu des années 70 (une actualisation a eu lieu au début des années 80, de mémoire)... à une époque où l'on établissait (encore) des schémas directeurs pour le réseau classique.
greg59 Wrote:Quant je regarde la carte, je me dis qu'il y a une paire de tronçon qui peut être à V200-250km/h :
- St Lô - Caen (le tronçon entre Evreux et Paris est en projet, je ne le prends pas en compte)
- Le Havre - Yvetôt
- Boulogne - Abbeville - Amiens - Creil
- Beauvais - Creil
- Creil - St quentin - Maubeuge / Cambrai
- Reims - Charleville Mezières
- Le Raincy - Chalon en Champagne - Bar le Duc - Nancy
- Provins - Troyes - Langres - Belfort
- Sens - Montbard - Dijon - Besançon
- Dijon - Macon - Lyon
- Melun - Nevers - Clermont Fd
- Clermont Fd - Vichy - Roanne - Lyon
- Lyon - Grenoble
- Grenoble - Valence - Avignon - Marseille
- Toulouse - Narbonne
- Toulouse - Limoges
- Paris - Limoges
- Dax - Pau
- Rennes - Brest
- Rennes - Quimper
- Tours - Nevers - croisement LGV Paris Lyon - Beaune
- Tulle - Clermont Fd
- Clermont Fd - St Flour - Millau - Beziers
- Toulouse - Albi - Rodez
- Toulouse - Figeac - Aurrillac - Clermont Fd
- Bordeaux - Perigueux - Tulle
- Limoges - Guéret - Montluçon - Vichy - Lyon
- Perigueux - Limoges
- Limoges - Poitiers - Niort - La Rochelle
- Caen - Le Mans
- Dijon - Langres - Nancy - Luxembourg
Je ne sais quelle carte tu as regardée, mais pour se prononcer sur la faisabilité de relèvements de vitesse, même de manière très "macro", il faut a minima avoir une idée du tracé précis des lignes, car le premier critère (il y en a beaucoup d'autres) est celui des rayons de courbure. Nombre de lignes reprises dans ta liste ont des vitesses potentielles de tracé basses à très basses, du fait du relief et de choix constructifs (visant à limité les coûts... surtout sur le réseau régional). Envisager de circuler à VL200 entre Toulouse et Clermont via Aurillac par exemple, cela reviendrait à reconstruire (à grand frais !) l'infrastructure. Idem pour Roanne-Lyon (on pourrait trouver moult autres cas dans ton inventaire !) As-tu déjà emprunté ces lignes ???
Sans trop rentrer dans les détails, même en restant au niveau de la vitesse potentielle de tracé, il faut regarder quel polygone de vitesse on pourrait obtenir en relevant la vitesse là où la plate-forme le permet. Un train n'est pas une formule 1, ni même la voiture de M.Mme Lambda. Un convoi ne monte pas en vitesse en quelques centaines de mètres, aux vitesse élevées. Avoir un tronçon apte à 200 de 8 km encadré par des zones à 160 ne présente pratiquement pas d'intérêt, au niveau du gain de temps (c'est un principe de base qui semble avoir été oublié dans des relèvements récents...). Les gares desservies sont aussi à prendre en compte. Si la quasi-totalité des trains desservent une gare située sur une section relevée à 200, ça ne présente que peu d'intérêt là aussi.
Ensuite, il faut intégrer d'autres paramètres techniques comme la qualité de la plate-forme (des pb ont été identifiés sur Niort-La Rochelle, à titre d'exemple [dans le cadre du projet de RVL]), la signalisation (qu'il faudra soit adapter, soit reprendre complètement), la présence ou non de PN, les aménagements éventuels à réaliser pour la protection du personnel au bord des voies (effet de souffle), la présence de tunnels (rarement au gabarit compatible avec les hautes vitesses) et plus globalement les contraintes liées au gabarit dynamique (l'entraxe des voies augmente avec la vitesse). Les ouvrages d'art tels que les ponts-rail, viaducs... peuvent aussi être incompatibles avec un relèvement de vitesse. Idem pour la caténaire. Les installations de traction électriques (IFTE) sont dans certains cas à renforcer (quand la ligne est électrifiée), car circuler à vitesse élevée induit des appels de courants bien plus élevés. Il faut aussi souvent reprendre aussi les installations de sécurité lorsque les IFTE sont renforcées, car un retour de courant de traction plus élevé n'est pas forcément compatible avec les circuits de voie par exemple. Puissance accrue sous-tend aussi des courants perturbateurs plus importants (même si des progrès ont été réalisés sur les matériels moteurs récents), gênants eux à la fois pour les IS et les circuits telecom, qu'ils soient ou non dans l'emprise ferroviaire (ce peut être ceux des opérateurs téléphoniques).
Il y a aussi le bruit, les dispositions actuelles étant bien plus contraignantes quand on modifie des infras existantes ou construit de nouvelles lignes (c'est mieux pour les riverains, mais cela renchérit le coût des relèvements de vitesse ou toutes les opérations lourdes de modernisation de l'infra... aboutissant à des renoncements ou réduction de programmes, dans bien des cas).
Sur des lignes où le trafic est mixte (i.e. composé de trains aux vitesses moyennes très différentes), si celui-ci atteint un niveau significatif, on doit tenir compte du fait qu'un RVL va consommer de la capacité supplémentaire, les trains rapides pouvant de ce fait être gênés par les trains lents (TER à arrêts multiples, trains de Fret etc.). Si l'on ne veut pas dégrader la capacité offerte, il faut en parallèle réaliser des aménagements pour faire cohabiter les deux types de trafic. Des évitements courts sont la solution la plus simple, mais ils conduisent à dégrader la vitesse moyenne des circulations lentes... une des causes (il y en a d'autres) de pertes de trafic pour le Fret ferroviaire (un MA100 peut être garé jusqu'à 5 voire 6 fois entre Tours et Bordeaux, cas extrême certes). La solution la meilleure, ce sont des portions de 3e ou 4e voie (comme en Plaine d'Alsace par exemple, ou sur Paris-Rouen, Orléans...). Mais cela renchérit considérablement l'opération. RFF a renvoyé aux calendes grecques le RVL Dijon-Saône et Loire entre autre pour ce motif (mais l'abandon de la branche sud du TGV Rhin-Rhône fera peut-être évoluer cette position... d'autant que le trafic fret a beaucoup diminué - hélas).
Enfin, et on devrait logiquement commencer par là, il faut que l'opération ait une justification a minima socio-économique (idéalement économique aussi). Un investissement doit répondre à un besoin et il faut évaluer la pertinence de cet investissement, dans un contexte où les ressources disponibles sont limitées (et même si on était plus à l'aise au niveau des finances publiques comme des comptes de RFF, cette approche saine serait nécessaire).
L'équation économique des RVL au-dessus de 160 est souvent difficile, car les facteurs de renchérissement des coûts sont nombreux (voir ci-dessus) et les gains de temps ne sont significatifs qu'au prix de linéaires assez importants de zones relevées (le mitage des zones enlève beaucoup de pertinence à un RVL). En comparaison, le réseau français a conservé des vitesses de circulation faibles dans nombre de zones de gare, phénomène aggravé par le fonctionnement du contrôle de vitesse mis en œuvre sur le RFN et l'évolution des pratiques de conduite qui ont suivi (que l'on a généralisé au-delà des zones équipées du KVB... pour des raisons d'unification des gestes métiers touchant la sécurité des circulations). Bien des entrées/sorties de gares sont à 30 km/h en France, quand 40 est le taux bas standard en Suisse ou en Allemagne. Les gains de temps sont proportionnellement plus importants aux basses vitesses et ils bénéficient à un plus grand nombre de circulations.
Pour ce qui est d'aller au-delà de 220 km/h sur ligne classique, à part l'Allemagne qui est montée à 230 dans quelques cas récents très particuliers (moyennant des aménagements important de protection du personnel et des voyageurs dans les gares), aucun réseau européen n'a à ma connaissance de tronçons de ligne dépassant cette VL hors tronçons d'infras nouvelles (construits dans cette perspective). On est le plus souvent à 200 km/h d'ailleurs, comme vitesse plafond du réseau classique. Les Français sont passés de 200 à 220 km/h lors de la mise en service du TGV Atlantique, afin de conserver les temps de parcours cibles du projet initial, dans une configuration d'infra nouvelle moins performante (tronc commun allongé jusqu'à Courtalain, pour réduire le coût de construction). Un dirigeant de l'époque (attaché à la performance du cdf) avait poussé dans ce sens (en profitant des progrès réalisés en matière de freinage, sur les TGV A), contre bien des réticences internes. Je doute qu'une évolution comparable serait possible aujourd'hui (où l'on trouverait toutes les raisons expliquant que ce n'est pas possible ou atteignable économiquement).
Christian
PS : une nouvelle phase de relèvement de vitesse est programmée sur l'axe Paris-Clermont, elle devrait concerner le tronçon Randan - Riom exclus (une vingtaine de km, de mémoire... on ne va pas gagner beaucoup de temps d'autant que la VL est <160 côté Vichy, du fait du tracé)