La guerre du rail fait rage : Berry et Poitou s'étripent
Le nerf de la guerre du rail est politique. Bien sûr. Mais il est aussi financier.
Une menace pèse sur la Paris-Orléans-Toulouse et c’est la poussée de fièvre assurée. Les voisins de la Vienne et du Limousin, eux, se frottent les mains.Les imprévus sont rarement heureux. Vendredi, les soutiens politiques et institutionnels de l'Indre à la ligne Pocl (Paris-Orléans-Clermont-Lyon) s'affichaient en une pleine page de publicité dans la NR : ils y affirmaient la nécessité absolue de bâtir cette ligne qui « désenclavera les territoires » et participerait ainsi à la « désaturation de la LGV Paris-Lyon ».
Et puis, patatras. Il suffisait alors de tourner cette page pour tomber nez à nez avec un titre choc : « Menaces sur le Polt : la lettre qui fait scandale ». Certes, la ligne Polt (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse) n'est pas complètement la Pocl. Mais les deux projets – celui de la modernisation du Paris-Toulouse et celui de la future ligne LGV Paris-Orléans-Clermont-Lyon – sont intimement, géographiquement et économiquement liés.
Toucher à la Polt en réduisant la fréquence des trains, c'est mettre en péril le projet ferroviaire global du Grand Centre et condamner un peu plus l'Indre à l'enclavement.
Au milieu de tout ça, dans le rôle de la grosse poutre ferroviaire dans le pied, ce fameux projet de la LGV Poitiers-Limoges. « Une ligne toujours à l'état de projet », peste Louis Pinton, président UMP du Conseil général de l'Indre.
Chez les voisins de la Vienne, cette annonce de menaces sur le Polt n'est pas pour déplaire à tout le monde. Défendue par Alain Claeys, le député et maire PS de Poitiers, et tout autant par le sénateur UMP, Jean-Pierre Raffarin, la LGV Poitiers-Limoges n'est peut-être encore qu'à l'état de projet mais le dossier avance. Loin de faire l'unanimité en terres limousines et poitevines, il bénéficie malgré tout de la puissance de nombreux lobbies politiques et économiques. Et pour l'obtenir, l'autre voisin de l'Indre, la région Limousin, n'a pas hésité une seule seconde à verser 50M€ pour la ligne LGV Atlantique (Bordeaux-Poitiers-Tours-Paris)…
La nouvelle préfète de région Poitou-Charentes, qui vient de prendre ses fonctions à Poitiers, évoque la ligne Poitiers-Limoges, ce dimanche matin dans les colonnes de la NR de la Vienne avec une diplomatie certaine. Il faut, dit-elle, « faire cheminer le dossier au mieux en écoutant les points de vue de chacun. Ce n'est pas un dossier facile, c'est important d'entendre. » Et d'attendre ? Pas forcément bien longtemps.
Malheur au perdant« On connaît les arguments des pour et des contre, je ne veux entrer dans aucune polémique, réagit Alain Claeys. Ce que je souhaite maintenant, c'est que l'enquête publique puisse être lancée au premier semestre. » Le courrier du ministère de l'Écologie en témoigne : les services de l'État y travaillent activement… Si cela se vérifie, ça sera une lourde pierre de plus dans le jardin des défenseurs du Polt et du Pocl. Le dossier du rail dans l'Indre et la Vienne ne rapproche pas les territoires. Il les oblige à se livrer à une guerre technique, politique et économique sans pitié. Malheur au perdant…
repèresLes dessous politiques de l'affaireToute l'affaire est partie d'un courrier adressé par le directeur général des infrastructures du ministère de l'Écologie. Il met en avant la volonté de RFF (Réseau ferré de France) de réduire le trafic sur la ligne Polt (de sept allers-retours à quatre). Dans la balance, le financement de la Poitiers-Limoges. Si RFF reste l'un des acteurs principaux de ce dossier, se profile, entre autres, l'ombre du ministère de l'Écologie. Delphine Batho, la ministre, est une proche de Ségolène Royal. Et la présidente de la Région Poitou-Charentes soutient le projet de la Poitiers-Limoges, qu'elle juge « essentiel », même si elle refuse de le faire financer par la collectivité qu'elle dirige. Les rapports de force entre la LGV Poitiers-Limoges et le Polt (Pocl) sont-ils équilibrés ? D'un côté, on compte de sérieux poids lourds : Ségolène Royal, Jean-Pierre Raffarin, les élus de la Haute-Vienne et de la Corrèze, terre d'un certain… François Hollande. De l'autre, dans le Grand Centre, les élus, toutes obédiences politiques confondues, militent pour la modernisation du Polt et le Pocl. Mais… Dans l'Indre, les réactions politiques sont unanimes, à l'image de celle du député socialiste, Jean-Paul Chanteguet, s'adressant à RFF : « Une telle décision est inquiétante pour plusieurs départements du Grand Centre. L'Indre, le Cher, l'Allier, la Creuse, le Loir-et-Cher et le Loiret seraient ainsi laissés de côté et la ligne Paris-Châteauroux serait reléguée au niveau secondaire, condamnant ainsi de nombreuses villes moyennes et compromettant également l'attractivité et la compétitivité de ces départements ».