par Thor Navigator » 13 Nov 2014 12:43
Bonjour,
sur le dernier point (repris par b3su), ayant participé à un certain nombre de CEH entre 2005 et 2010 (le nom et les organisateurs ont changé avec les évolutions de structure et la séparation GI-EF mais les principes de base sont restés les mêmes, en trafic voyageurs du moins), je n'ai pour ma part jamais constaté de tels comportements de la part de la partie française (majoritairement SNCF-EF, car le GI (RFF) ne plus participait plus à ces réunions EFs-GIs de 2009 à 2012 ni ne déléguait son GID - il y a repris part depuis 2013). Idem pour les nombreuses bilatérales ou réunions "de route" que j'ai suivies, celles avec les CFL comprises. J'ai d'ailleurs gardé de cette période de bons souvenirs et ai conservé des relations très cordiales (voire amicales) avec des collègues d'EF et GI étrangers (au premier chef ceux des pays voisins partiellement francophones). Lors de ces réunions internationales, nos déjeunions/dinions d'ailleurs souvent ensemble, dans une très bonne ambiance (cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de points de désaccords, des vues différentes entre EF par exemple).
S'agissant de Brétigny, désolé Pierre mais tu as botté en touche en me répondant. Ce que j'ai critiqué, c'est l'affirmation un peu facile sur l'incompétence et l'annonce consistant à expliquer que les ralentissements à venir étaient définitifs. J'ai expliqué pourquoi, YLH-maestro (amusant comme pseudo !) a fourni des infos complémentaires dans son message. A ce propos, la LPV 130 ne vise (hélas) pas le cœur de la zone de Brétigny mais un secteur encadrant (la mesure doit être d'ailleurs plus liée aux règles de transition de vitesse limites reprises aux RT qu'à une contrainte infra à proprement parler, contrairement à la LPV 100 de part et d'autre du BV - de mémoire sur 1,5 à 2 km).
Je m'exprime souvent sur les sujets touchant la performance de l'offre ferroviaire sur le RFN. Tu connais donc mon point de vue sur la question... qui n'a qu'un lien indirect avec le cas évoqué de Brétigny (où l'abaissement fait suite à des "recommandations" externes, même si une fois le parapluie ouvert, il est probable que des mesures similaires seront mises en oeuvre ailleurs, à titre préventif - sans corriger la cause court terme bien évidemment, faute de moyens et/ou de compétences pour le faire).
Le système est mal en point "de l'intérieur" sur ce plan depuis au moins 15 ans (et le phénomène est allé en s'accentuant), car à la perte de compétence de certains acteurs (tant au sein du GI que de l'EF historique), qui a des retentissements dans tous les domaines (*), s'est ajoutée une orientation qui a mis au second plan les objectifs de performance autre qu'économique (même si ce dernier n'est pas toujours au rendez-vous dans les faits). Les dirigeants "production" comme les managers opérationnels sont évalués (les "top dirigeants" aussi même s'il y a pour eu d'autres indicateurs) et pour partie rémunérés sur des critères qui centrés autour d'indicateurs de régularité, de trains "produits", mais le critère de la performance intrinsèque (par exemple au travers de l'évolution des temps de parcours) n'est pas pris en compte. De ce fait, le système a tendance à privilégier (il y a heureusement des exceptions, et quelques acteurs "résistent") les mesures de court terme et/ou les solutions facilement accessibles, permettant de redresser rapidement les résultats visibles, sans pour autant s'attaquer aux causes "de fond" (ou seulement partiellement).
Une des illustrations est le relèvement lent mais quasi-continu des temps de stationnement (l'accroissement du trafic ne le justifie qu'à certains endroits, idem pour les contraintes PMR/UFR), l'abandon progressif de tous les tracés à marge réduite (3'/100). La culture de la marche sans détente (mais respectant les normes de tracé) n'est plus un des fondamentaux de la production horaire (sur lequel on apprécie le travail des acteurs de la chaîne horaire), et le traitement des variantes travaux, dont le nombre à explosé (en grande partie du fait du mode de fonctionnement actuel du GI, l'augmentation du nombre de chantiers n'en explique qu'une part), se traduit dans bien des cas par des montages "à la hache" aux performances très dégradées (phénomène accentué par les principes de tracé dans la capacité résiduelle, afin de ne pas impacter des circulations non directement concernées), sans pour autant être toujours réaliste (blocks dégradés - par les LTV - pas toujours pris en compte, tracés trop tendus en amont ou aval des LTV...).
La croyance (dangereuse) que des marges accrues sont vertueuses pour la régularité est aujourd'hui solidement ancrée au sein des deux établissements (à commencer par les activités voyageurs), nombre d'acteurs se limitant au constat de trains non ponctuels... pointant des tracés ou temps de stationnement jugés irréalistes, sans rechercher systématiquement toutes les mesures qui permettraient de rétablir la performante initiale (tenue en situation ante).
C'est ainsi que les IC Paris-Cherbourg sont par exemple progressivement passés d'une marge réduite à une marge "normale" entre Caen et Cherbourg (l'activité souhaitait initialement augmenter la marge depuis Mantes - Paris-Mantes étant au mieux à marge "normale", souvent au-delà par domestication des sillons) tandis que l'on relevait dans le même temps tous les "petits arrêts" d'une à deux minutes. Pourtant, les tracés de ces trains ont déjà à la base des paramètres de marche prudents (les 26000 n'ont "que" 4200 kW à la jante sur Mantes-Cherbourg et le coefficient de décélération utilisé est de 0,4 m/s², valeur peu élevée pour des V160-V200 tous freinés au FEP - mais l'anticipation des freinages tend hélas à justifier a posteriori ce paramétrage). Les causes de non-tenue des horaires sur cet axe ont été le plus souvent liées à des compositions non conformes (V200 rétrogradés en V160 voire V140), des travaux mal pris en compte ou aux impacts accentués par la configuration terrain des LTV et le comportement des convois sur celles-ci, des incidents d'exploitation etc. L'augmentation des temps de stationnement à Amiens de 10 à 14' sur les Paris-Boulogne (on faisait 6' sur les rapides jusqu'au milieu des années 70...) relève de la même logique ("améliorer la qualité du produit", lit t-on dans certaines communications internes ou externes...). Idem sur les Paris-Limoges avec tracés progressivement relevés à 4,5'/100 au sud d'Etampes (et le temps de parcours Austerlitz-BFM qui a été relevé pour tenir compte des itinéraires moins performants -longue zone à VL30- vers la partie refaite de PAZ, phénomène accentué par les départs très lents en marche à vue, aucun signal répéteur n'ayant été installé à demeure).
On pourrait citer de nombreux cas de dégradation de la performance, s'expliquant ici par des modifications survenues sur le matériel (lors de rénovations ou sur les engins neufs), des mesures d'exploitation, la multiplication et le durcissement des restrictions de traction (là où une 26000 circule sans restriction, le GI impose par exemple un bridage à 4-4,3 MW panto des nouveaux TER, dont les auxiliaires sont très gourmands en kW soit dit en passant), la conception de la signalisation (les difficultés rencontrées sur le Quart nord-est toulousain y sont liées, pour une part - il y a nombre d'autres facteurs).
Le compartimentage des métiers avec la disparition, depuis le milieu des années 90, de l'approche "système" a accentué ce phénomène : chacun édicte ses règles, pensant bien travailler ou améliorer la sécurité mais sans se préoccuper de l'impact final sur l'exploitation, une fois bouclé l'ensemble des paramètres. Une illustration parmi d'autres, déjà évoquée il me semble : on a durci au fil des années les règles d'implantation des signaux de protection d'itinéraires convergents, tout en ne prenant pas en compte le KVB (puisqu'il n'est pas en soi considéré comme "de sécurité"). Moralité : les configurations restrictives de type "rouge clignotant" (imposant un franchissement à VL15 puis une marche à vue en aval) se multiplient à l'occasion des refontes de postes, puisque évidemment, en zone dense et au niveau des gares en particulier, les distances de protection atteignent des valeurs faibles (les concepteurs de ces plans de voie n'avaient évidemment pas appliqué de telles règles, surtout quand les VL des voies sont de 30 ou 40 km/h). La circulation des trains sera de ce fait pénalisée deux fois (par l'effet du rouge cli et les courbes de contrôle de vitesse durci qui suivent en aval, le plus souvent). Le conséquence finale est qu'il faut revoir (à la hausse) les espacements et temps de parcours en zone de gare, là où de telles configurations sont régulièrement rencontrées... et réinvestir pour retrouver la capacité ante (avec entre temps des coûts d'études et de travaux qui ont fortement augmenté).
(*) de la conception de l'infra à l'organisation des travaux, la conception des matériels, celle des sillons et des dessertes, des effets négatifs du KVB tel que mis en place et des pratiques qui l'ont accompagné ou encore le suivi -aujourd'hui très pointilliste- du comportement des conducteurs, orientation de la société [judiciarisation...] et de l'EPSF aidant -ou servant de prétexte etc)
Mais même si les remarques précédentes peuvent être perçues comme un réquisitoire (ce n'était pas l'objectif), mettre tout le monde dans le même sac en invoquant l'incompétence des organisations dans leur ensemble n'est à mon sens pas la bonne approche. Et encore une fois, je visais tes remarques sur les LPV de Brétigny.... Ne mélangeons pas tout !