ligne contrexéville-nancy L’orage balaie le ballast et le TER déraille
Accident spectaculaire et rarissime, hier matin, sur la ligne Contrexéville-Nancy. La veille, après un violent orage, des torrents d’eau ont emporté du ballast. Le premier TER a déraillé à Clérey-sur-Brenon. Les fortes pluies de la nuit sont à l’origine de cet accident. L’eau s’est accumulée dans les fossés le long de la voie en quantité telle que le ballast a été emporté sous les deux voies. Quand le TER est arrivé, hier peu avant 7h, les rails se sont creusés sous le poids du train (150 tonnes).
Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie. J’ai cru que c’était la fin du monde. Les grêlons volaient, tapaient sur le toit de la maison. Avec mon fils, on s’est enfermé, tellement on a eu peur ». Le petit chien de Renée Collé, garde-barrière à la retraite, a fait de même, il s’est planqué une bonne partie de son dimanche soir sous une table, tétanisé par l’orage qui s’énervait dehors. « Cela hurlait de partout, il y avait de la grêle, du vent », l’apocalypse pour la retraitée. L’orage dominical crache près de 45 mm d’eau au-dessus de Clérey-sur-Brenon, un petit village près de Vézelise.
Le ruissellement est si intense et rapide que les deux voies de chemin de fer de la ligne Contrexéville-Vittel-Nancy qui longent la maison de Renée Collé sont noyées sous les eaux dégringolant des prairies avoisinantes. Les fossés censés les protéger des inondations sont submergés. Les eaux s’infiltrent dans le ballast et le ravinent avec une telle force, qu’au point bas, elles l’embarquent sur cinq mètres de longueur et soixante centimètres de profondeur, laissant derrière elles une béance avec des rails flottant dans le vide, accrochés uniquement à leurs traverses.
Lorsque le premier TER, parti des Vosges une heure plus tôt, dépasse la petite gare de Clérey, hier vers 7h, il file à 90 km/h. Le conducteur ne peut pas remarquer le piège qui le surprend trois cents mètres plus loin. Sous le poids de la motrice, les rails ploient et se tordent. Le premier boggie de la rame reste en place, les trois autres quittent leurs guides. « C’est comme si c’était une bombe qui explosait », témoigne Renée Collé, qui a été réveillée par le déraillement.
Freinage d’urgenceDans le wagon juste derrière la motrice, Esteban, Lothaire et Mathias, lycéens vosgiens, dorment en attendant leur arrivée en gare de Nancy. « Le wagon a sauté et cela nous a réveillés », racontent les adolescents. « Sur le coup, on a pensé à un arbre puis à plusieurs arbres ». En fait, le train déraillé cahote sur le ballast. « Le conducteur a actionné le freinage d’urgence », indique François Henry, directeur régional de crise de la SNCF. Le convoi de 150 tonnes stoppe sa course au bout de 150 mètres, à l’amorce d’un virage à gauche.
Ses 23 passagers secoués sont pris en charge par les sapeurs-pompiers. « Deux personnes blessées légèrement », précise François Henry, sont dirigées vers l’hôpital de Nancy. Des cars réquisitionnés rapatrient les passagers, à pied au milieu de la campagne lorraine.
Dans l’après-midi, la rame très accidentée est relevée et remise sur ses rails au moyen de vérins hydrauliques. Elle est ensuite tractée jusqu’au dépôt de Jarville pour les réparations d’urgence puis ensuite dans un autre atelier pour une reprise en profondeur. Cette étape terminée, des équipes s’affaireront dès ce matin sur les voies. Objectif : remplacer le plus rapidement 300 mètres de rails déformés et recharger les deux voies avec du ballast. Des opérations de mécanique de précision qui demanderont trois jours entiers, selon la direction de la communication de la SNCF. Les cheminots travailleront jour et nuit pour être dans les temps.
Alain Autruffe : « Un accident exceptionnel »
Alain Autruffe, directeur régional de la SNCF, assure que ni le matériel ni l’état des voies ne sont en cause.
De quel ordre est cet accident, il est selon vous inquiétant, banal, exceptionnel… ?Alain AUTRUFFE : « C’est un accident tout à fait exceptionnel, les pluies et orages ont été très localisés et très violents. Une dame de 70 ans, qui demeure près de la voie ferrée, a assuré qu’elle n’avait jamais vu cela. Ce n’est qu’un témoignage, certes. Nous allons nous assurer auprès de Météo-France du caractère exceptionnel de ces intempéries ».
Que s’est-il produit ?« La voie est située en bas d’un vallon. L’eau a coulé abondamment le long d’un chemin. Mais celui-ci tourne à un moment et le torrent provisoire a continué tout droit vers la voie et a emporté le ballast avec lui… Ce n’est pas la première fois dans ma carrière que je rencontre ce type de scénario, mais cela reste rare. »
Rien n’est prévu pour le drainage ?« Un système de drainage existe le long des voies, mais cette fois, l’afflux d’eau a été trop massif. »
Est-ce inquiétant pour les usagers des TER ?« Non. D’ailleurs, le fait que dans une telle situation, le train soir resté debout et qu’il n’y ait pas de victime prouve que le matériel est robuste. Dans une même situation sur la route, combien d’accidents de voitures ? De motos ? »
Un message aux passagers ?« Cet accident n’est en aucun cas banal, cela reste tout à fait anormal. Nous allons écrire à tous les passagers du TER accidenté pour nous excuser et les réconforter ».