par rail45 » 28 Mai 2012 23:07
Bonsoir
Je suis contributeur régulier (depuis 1990) à l'une des revues citées précédemment, Connaissance du Rail, et je connais donc bien les responsables de cette revue.
Je connais également, plusieurs rédacteurs en chef des autres revues, même si je ne collabore pas forcément avec eux.
Il m'arrive donc de discuter avec les premiers concernés de la situation actuelle de la presse ferroviaire.
En ce qui concerne Connaissance du Rail, il faut admettre que le lectorat de cette revue vieillit.
Les fidèles abonnés meurent les uns après les autres et ne sont pas remplacés. Et pour ce qui est de la vente en kiosque, les NMPP assurent un service qui de plus en plus cher et dont la qualité est de plus en plus mauvaise, ce qui rend la revuemoins visible dans les points de vente (donc moins de lecteurs potentiels).
Et le rédacteur en chef, Pierre Laederich, est tout à fait conscient que la partie actualité pure se retrouve facilement sur le net en quelques secondes et en temps réel.
Par ailleurs, le lectorat de la revue est en grande majorité francilien (environ 50 %).
La revue s'adresse à des passionnés tout en faisant attention à ne pas être trop technique pour ne pas rebuter les nouveaux lecteurs découvrant le monde du chemin de fer.
Pour les photos, le rédacteur en chef préfère les photos prises dans des gares à des clichés pris en rase campagne, sauf éventuellement des ouvrages d'art caractéristiques.
J'ai déjà essayé plusieurs fois de le faire évoluer sur ce point précis mais je n'y suis jamais arrivé.
Je lui donne donc des photos de gare en lui glissant toujours quelques photos en dehors de ces dernières. Mais systématiquement il choisira en priorité les clichés des gares en complétant éventuellement avec une ou deux autres photos, mais ce n'est jamais gagné d'avance.
Pour ce qui est des sujets traités, CDR ne s'occupe que du chemin de fer réel (pas de modélisme), français et étranger.
Pour l'étranger la Suisse domine largement avec en principe au moins un article par numéro.
Mais c'est aussi une demande des lecteurs.
A l'inverse, très peu d'articles sur la Belgique ou la Grande-Bretagne, car tout simplement les lecteurs ne s'y intéressent pas !
Même si personnellement j'aime les trains de tous les pays, ce n'est pas le cas de tout le monde, loin de là.
En gros, il faut donc veiller à ne pas dépasser un taux de 1/3 de la revue consacrée à l'étranger.
Soit dit en passant, en regardant ce forum, la part des sujets étrangers est également très faible, reflétant donc sans doute en grande partie l'intérêt des lecteurs des magazines papier.
Et si on va chez nos voisins il en est de même, on ne parle que de trains britanniques en Grande-Bretagne et quasiment que de trains allemands en Allemagne !
CDR s'est aussi spécialisé dans les tramways, sujet relativement peu traité dans les autres magazines, hormis peut-être Rail Passion, le rédacteur en chef, Philippe Hérissé, étant un grand amateur de tramways.
Il y a beaucoup d'articles historiques, principalement sur des lignes du réseau national ou d'anciens secondaires.
Pour les sujets actuels, CDR défend le mode ferroviaire, mais dénonce aussi ses carences quand, par exemple, des projets sont mal ficelés ou lorsque la SNCF est gérée (et je suis gentil) de façon totalement loufoque.
La revue essaye de se mettre à la place des voyageurs qui prennent le train et qui désirent avant toute chose avoir des trains fréquents, confortables, propres, si possibles rapides et surtout à l'heure, ce qui explique sans doute que Rémi, qui cite plus haut un article sur le Francilien, trouve que CDR est une revue partisane.
(Rémi, entre-nous, je ne t'en veux pas, mais tes interventions sur ce forum sont aussi souvent très partisanes ! Il est vrai qu'il me semble que tu travaille de l'autre côté de la barrière, chez l'autorité organisatrice des transports de la région-capitale si je ne me trompe pas, et que tu ne peux donc pas critiquer ton employeur même quand il est en tort, ce que je comprends aisément).
Etant l'auteur de cet article, je peux en parler. Je voulais faire quelque chose d'original et voir comment était le Francilien vu du côté des voyageurs.
Je l'ai donc testé, un peu comme un magazine automobile teste une nouvelle voiture, en faisant plusieurs trajets avec et voir sur le terrain ce qu'il en était réellement.
J'ai également demandé à différents conducteurs ce qu'ils en pensaient. J'y ai notamment dit que le matériel avait une qualité de roulement perfectible, que les sièges étaient inconfortables et étroits, qu'il n'était pas normal qu'il n'y ait pas de toilettes et que la fiabilité était (et est toujours) plutôt mauvaise (depuis je suis d'ailleurs mal vu chez Bombardier qui n'a pas vraiment apprécié !).
J'ai aussi dit, qu'en dehors de leurs défauts de fiabilité, les conducteurs le trouvait plutôt agréable à conduire et que l'intérieur des rames était lumineux et que l'on pouvait se déplacer aisément sur toute la longueur de la rame.
Pour Ferrovissime :
Le parti-pris de la revue est de s'intéresser en priorité au matériel roulant, SNCF et éventuellement secondaires à voie normale et d'intérêt général.
Jehan-Hubert Lavie et Vincent Cuny, que j'ai rencontrés l'autre soir, assument pleinement le caractère 100 % français de la revue et en ont d'ailleurs fait leur marque de fabrique.
Il expliquent que les tramways et les secondaires sont du ressort de Connaissance du Rail et le traitement de l'historique des lignes SNCF relève de la compétence d'une revue telle que Rail Passion.
D'après ce que j'ai compris, le magazine semble plutôt bien se porter, tout comme Loco-Revue dans la partie modélisme. Les deux magazines fonctionnent en totale indépendance, même si parfois on essaye d'accorder ses violons. Par exemple, si Loco-Revue parle d'un modèle réduit d'un type de voitures voyageurs, il n'est pas impossible qu'au même moment Ferrovissime va parler du modèle réel.
Pour Rail Passion :
C'est la revue généraliste par excellence, qui traite à la fois du chemin de fer réel, français et étranger, et des modèles réduits. Si on ne doit acheter qu'un seul magazine traitant des chemins de fer c'est celui-ci qu'il faut acquérir car il parle de tous les sujets liés au ferroviaire. Mais Rail Passion subit aussi le problème du vieillissement du lectorat et le style est parfois un peu lourd et peu digeste. De plus, les textes ne sont pas correctement relus et les erreurs nombreuses. Par contre, ce sont les seuls à admettre qu'ils se trompent parfois et à apporter des correctifs au numéro suivant.
Pour les autres magazines du groupe de La Vie Du Rail :
A mon avis, trop de dispersions et nombreuses redondances. A force, on ne s'y retrouve plus et le lecteur potentiel n'y comprend plus rien et donc il fuit.
Je crois qu'il faudrait se recentrer sur deux titres :
- La Vie du Rail (et des Transports), dans son format traditionnel d'hebdomadaire, où à la rigueur en version bimensuelle, plutôt destiné aux professionnels du monde ferroviaire et des transports urbains.
- Rail Passion, mensuel, destiné aux ferrovipathes et gardant son caractère de "touche à tout".
Pour Voies Ferrées :
Equipe sympathique, magazine plutôt orienté matériel roulant, mais souffrant de la perte d'une partie de son équipe suite à la création de Objectif Rail et du tarissement du nombre de sujets potentiels du fait de la standardisation du matériel. Pour l'iconographie, en baisse, mais n'oublions pas non plus qu'à force, tous les "bons coins" photos ont été découverts et qu'il est de plus en plus difficile de trouver un lieu original et jamais photographié au bord d'une voie ferrée.
Pour Le Train :
Magazine de modélisme avec une section chemins de fer réels de plus en plus importante. Mais beaucoup trop de publicités à mon goût (mais c'est ce qui paye la revue). Par contre, ils ont trouvé un excellent créneau avec les numéros spéciaux qui fonctionnent je crois plutôt bien et sont pas mal faits.
Pour Today's Railways Europe :
En anglais.
Magazine britannique dont le rédacteur en chef, David Haydock, a épousé une française et vit donc depuis de nombreuses années en France du côté de Douai.
Comme son nom l'indique, ce magazine, excellent, s'intéresse à l'actualité ferroviaire des chemins de fer européens, hors Grande-Bretagne et Irlande qui sont traités dans Today's Railways UK.
Peu d'articles historiques, essentiellement de l'actualité, aussi bien matériel roulant que infrastructures. Excellent réseau de correspondants à travers toute l'Europe ce qui permet d'avoir des informations de tous les pays.
A recommander absolument si on maîtrise la langue de Shakespeare.
Pour les autres magazines, je ne me prononce pas car je ne les connais pas bien.
Mais force est de constater que les tirages sont plutôt faibles, preuve que le nombre de passionnés n'est pas si nombreux comparé à d'autres hobbies. Par exemple, Chasseur d'Images tire chaque mois à 100 000 exemplaires.
Pour les tirages :
Je sais qu'à une époque Voies Ferrés tirait à 20 000 exemplaires (je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui) et actuellement Today's Railways est à environ 8 000 exemplaires.
Pour Connaissance du Rail, le tirage moyen est actuellement d'environ 9 000 exemplaires, mais le numéro spécial consacré aux tramways de France, qui parait environ tous les deux ans, est généralement tiré à 15 000 exemplaires et est vite épuisé.
Je ne sais pas ce qu'il en est des autres magazines, mais cette information est parfois indiquée à l'intérieur des revues en question.
Pour ce qui est des photos publiées et des articles :
L'avènement du numérique a complètement changé la donne.
Autrefois, en argentique, il fallait attendre son retour de voyage et le développement de la pellicule (ce qui avait un coût) pour savoir ce que valait la photo.
De plus, nos aînés, dont mon père, n'avaient pas tous le permis de conduire et se déplaçaient uniquement en train, d'où une proportion plus forte de clichés anciens pris dans les gares plutôt qu'à la campagne.
Depuis, le numérique, il est arrivé toute une nouvelle génération de photographes, plutôt jeunes, motorisés et mobiles, qui a commencé à "mitrailler" d'autant plus que l'on n'est désormais plus obligé de faire tirer ses photos, et qui sait très bien se servir des outils informatiques désormais à notre disposition. Le net et les téléphones portables permettent de se passer des informations rapidement et les coins photos sont trouvés sur Google Map.
Les rédactions de magazines spécialisés se sont donc trouvés envahis de photos, mais c'est tout !
En effet, dès qu'il s'agit de rédiger un texte il y a beaucoup moins de monde, car cela demande un travail de recherche et de rédaction qui est parfois difficile et surtout chronophage.
Et que faire d'une photo, si bonne soit-elle, si derrière il n'y a pas de texte pour l'accompagner ?
Cela explique en grande partie que l'on retrouve souvent les mêmes auteurs, dont beaucoup, y compris moi, commencent à prendre de l'âge et qui pour certains, seront très difficile à remplacer.
Que deviendra par exemple Rail Passion le jour où Bernard Collardey (même si personnellement je n'aime pas particulièrement son style) ne sera plus là ?
Je sais que j'ai été particulièrement long sur ce sujet, mais j'espère que vous ne m'en voudrez pas.
Personnellement, je souhaite que toutes les revues, le plus souvent écrites par des passionnés, puissent survivre, mais j'avoue que j'ai tout de même de sérieux doutes, le lectorat traditionnel vieillissant de plus en plus et n'étant pas remplacé par les nouvelles générations élevées à l'ère d'internet.
Amitiés ferroviaires
Pierre
Dernière édition par
rail45 le 29 Mai 2012 8:14, édité 2 fois.