par viadi » 21 Juin 2014 10:24
Et si cette grêve était "la grêve de trop" pour les cheminots?
Les raisons du conflit sont incomprises par la majorité de la population, et pour celle qui s'y est interessée, elles ne sont pas tres claires. Le projet de loi ne propose que un regroupement au sein d'une même société du gestionnaire du réseau et de l'exploitant.
Les arguments avancés par les grêvistes sont difficilement entendables dans un pays ou la crise sévit depuis 2008, le chomage et la pauvreté augmentent, les impôts flamblent pour redresser la situation du pays, de la part d'employés ayant un statut plus protecteur que celui des salariés lambda (j'ai dit plus protecteur et non pas privilégié). L'argument de "la grêve par procuration", comme en 1995, n'est également plus recevable. Enfin, il est difficilement compréhensible que dans une démocratie, des employés se mettent en grêve contre un projet de loi votés par les députés, représentants du peuple et démocratiquement élu (bien que le mode de scrutin soit imparfait mais c'est un autre débat).
Les arguements d'un risque de "mise en concurrence" sont totalement irrecevables de la part de grêvistes:
- la SNCF ne profite t elle pas de l'ouverture à la concurrence dans d'autres pays? Elle est le principal exploitant au Royaume Uni, soi disant l'enfer du chemin de fer!! Idem en Allemagne, ou la SNCF et la RATP prennent des parts de marché à la compagnie historique, alors que celle ci n'est pas autorisé à venir en France en prendre. N'est-ce pas une distorsion de concurrence?
- la concurrence existe déja en France face à la SNCF: l'avion avec les compagnies low cost (dont la présence est plus faible qu'à l'étranger). Mais aussi le co-voiturage. Certains quais parisiens de la SNCF et de la RATP font de la publicité pour certains de ces sites, dont l'un par exemple, bla bla car, donne des tarifs de trajets aller simple sur des lignes désservies par la SNCF. Quand au car longue distance, qui se répend dans d'autres pays, offrant une alternative plus économique que le train, il fait son apparition en France, lancé par... la SNCF, sous le nom d'idBus!
- la notion de "service public à la française" est un voeux pieu! Le service public à la française c'est offrir des trains pas chers sur des liaisons a forte demande comme Paris Bordeaux avec idTGV, des trains pour pauvres partant loin des centres villes avec Ouigo sur Paris Marseille, mais rien sur Bordeaux Lyon? Le trafic longue distance est purement commercial, les tarifs et la désserte sont fixés en fonction de l'offre et de la demande, malgré la présence de certains trains "d'aménagement du territoire".
- Les trains non rentables en longue distance ont soit disparu, comme Bordeaux Lyon, soit ont été reversés dans une unité d'affaire qui fait désormais l'objet d'un subventionnement de la part de l'Etat alors qu'il était payé par les liaisons rentables précédemment.
- En trafic régional (hors Ile de France), la notion de "service public à la française" dépend du bon vouloir, et des moyens financiers de chaque région à le financer. Selon que vous habitiez en Bretagne ou en Alsace, vous ne serez pas égaux.
- L'ile de France est quand à elle totalement saturée. 600 millions d'euros de modernisations n'ont pas suffit à soigner cette ligne malade. Quand à l'effet réseau, il n'existe pas ! Certaines gares ont plusieurs lignes avec le même numéro de bus (cf à Roissypole, 2 lignes 100, toutes deux exploitées par la SNCF), aucune coordination entre les compagnies, y compris au niveau tarifaire. Mais la SNCF se contente de gérer sa rente de situation, étant en monopole face à l'autorité politique et donc libre d'imposer ses exigeances et d'exploiter le réseau selon son bon vouloir (ou pas...)
Mais les syndicats de cheminots (SUD et CGT) ne s'empeche pas de faire grêve contre un projet de loi en rêvant de "comités d'usagers solidaires", cf l'Humanité, dont les seuls membres doivent être les journalistes de ce journal vivant dans les beaux quartiers et se déplaçant en Velib.
Il est difficile de faire venir les français dans les trains, il est facile de les en faire fuir.
Il y a des alternatives de transport, le train n'est indispensable que dans l'Ile de France. Dans les régions, si les TER rendent un service très appréciable en périurbain, une bonne parte d'entre eux pourrait disparaitre, remplacé par des cars pour la clientèle captive, sans que cela ne soit ultra choquant (certaines lignes sont d'ailleurs remplacées par des "cars à haut niveau de service" comme en Champagne Ardennes récemment). En longue distance le covoiturage, demain le car, parfois l'avion, sont des alternatives au chemin de fer.
Si la concurrence arrivait en France sur le rail, probablement la SNCF perdrait quelques lignes. Mais probablement aussi elle conserverait sa position forte, ayant le savoir faire et l'experience de son métier et la motivation de la compétition qui fera le reste pour proposer une alternative crédible. Par contre, peut etre que quelques lignes vouées à la disparition verraient l'arrivée de "sang neuf", une nouvelle offre proposée. Si la SNCF et la RATP arrivent à le proposer en Allemagne, pourquoi First, Arriva, CFF ou Transdev n'y arriveraient ils pas en France?
Le dernier argument des syndicats est le fameux statut des cheminôts: il est compréhensible qu'ils y soient attachés, ils sont entrés à la SNCF avec ce statut comme condition de travail, c'est un arguement non négligeable. La solution est simple (et a été fait en Suède et en Allemagne): garantir ce statut par la loi pour tous les employés qui en bénéficient, et l'imposer aux compagnies privées qui prendraient des marchés exploités par la SNCF. Pour les nouveaux embauchés, une convention collective avec un statut de droit privé serait appliqué. Ainsi aucun cheminot actuel serait lésé. Sans le dire, la SNCF attaque déja ce statut par le nombre de filiales et d'opérations sous traitantes: les "gilets rouges" dans les gares sont des salariés d'entreprises sous traitantes. Leurs homologues Suisses sont des employés de la compagnie elle même. Les agents des voitures bars en France sont des employés de la sous traitance, en Suisse et en allemagne, ils sont employés par la maison mère!
Au sujet des facilités de transport, bien que ca ne soit absoluement pas le sujet de la grêve. Si il n'est pas anormal que les agents, voir leur famille proche (conjoint(e), enfants jusqu'à un certains age, 18 ans par exemple) en bénéficient, que les beaux parents, beaux grands parents en bénéficient est un peu "too much". Le problème n'est pas le systeme, cela s'appelle des avantages en nature et beaucoup d'employés en bénéficient, cela ne coute pas grand chose à l'employeur (en cout marginal de transport) et permet de fidéliser ses collaborateur, mais le périmètre auquel il s'applique! Quand à la contrepartie pour "obligation de mobilité", c'est une tarte à la crême: je travaille à 600 kilomètres de ma région d'origine et n'ai aucun billet payé! C'est le cas d'une bonne partie de la population parisienne. C'est simplement un avantage normal d'employé d'une compagnie de transport (comme de la majorité d'entre elle probablement)!
A ceux qui considèrent que la SNCF leur appartient parce qu'ils travaillent dans cette société, désolé mais la SNCF appartient au pays, et les citoyens electeurs et contribuables, qui versent 13 milliards d'euros par an à cette société ont aussi leur mot à dire. Le service public est un service essentiel à la nation, à tous. Si ce concept est surtout important en Ile de France ou le train est irremplacable, les français y sont attachés, et ont leur mot à dire à son sujet, le vote d'une loi par des représentants élus n'est donc pas choquant.
Le gouvernement à joué le pourrissement sur la grêve en cours et semble avoir obtenu gain de cause. L'impopularité du mouvement les y a aidés. Ca va être dur à accepter pour les syndicats, mais mis à part quelques bastions ou ils ont un pouvoir de nuissance (Saint Lazare, gare du Nord), ailleurs la greve n'a pas été efficace. A trop tirer sur la corde, a t elle fini par casser?
Les cheminots ont obtenu beaucoup par les luttes grace à leur pouvoir de nuissance. Cela n'a pas fonctionné aujourd'hui, c'est au tour des intermittents du spectacle d'en bénéficier... la roue tourne...
Je ne travaille pas à la SNCF. J'ai habité plusieurs années en Ile de France et était un usager quotidien du RER B avec sa sublime qualité de service qui a été un argument de poids (mais pas le seul) pour m'inciter à retourner en province. Aujourd'hui j'utilise la SNCF à raison de 2 à 3 aller retour par mois longue distance, sur TGV, régulièrement des trajets "périphérie-ville" en TER. Je ne me plains pas de la qualité de service, la régularité et la fiabilité sont au rendez vous. Sur ma ligne le yield peut etre utilisé assez facilement à son avantage lorsque l'on arrive à être flexible. Le confort des TGV est acceptable (bien que Lacroix en 2e n'est pas ce qu'on a fait de mieux mais ca reste un avis personnel) et aucun reproche sur le personnel à faire, tant en gare qu'à bord. Cet avis n'est pas un avis anti SNCF ou anti chemin de fer.
PS: petit détail amusant... des amis qui soutiennent ce mouvement... Mais pour un trajet domicile <> travail en Ile de France ils préferent la voiture que le RER (pourtant un trajet faisable sans trop de contrainte), et pour des aller retour réguliers Paris <> Province... c'est bla bla car (ou autre) qui remporte leur suffrage... vive la concurrence multimodale et le monopole intramodal!!