BEAUJOLAIS. APRÈS LA COLLISION MORTELLE AVEC UN TER, POURQUOI LA FAMILLE ÉTAIT-ELLE SUR CE CHEMIN ?
Des questions après le choc
La voiture un monospace Opel Zafira a été projetée trente mètres plus loin que le passage à niveau que l’on aperçoit ici sur la scène de la tragédie.
Reste à expliquer pourquoi la voiture a quitté la route principale pour prendre ce chemin réservé aux riverains et traverser la voie.
Au lendemain de la collision dans le Rhône entre un TER et une voiture qui a fait quatre morts, dont trois enfants, l’enquête se concentre sur les raisons de la présence de la famille sur ce chemin sans issue où se trouvait le passage à niveau.
L’état de santé de la mère de 32 ans, grièvement blessée et placée en coma artificiel à l’hôpital de Villefranche-sur-Saône, est « stationnaire », a déclaré lundi, le procureur de Villefranche-sur-Saône Olivier Étienne. « Les médecins ne se prononcent pas sur son pronostic vital », ont indiqué les pompiers. Selon les premiers éléments de l’enquête, la famille, qui « rentrait d’un week-end passé chez des amis », passait logiquement par la route départementale pour rejoindre son domicile, situé à Létra, à une dizaine de kilomètres, a dit M. Étienne. Reste à expliquer pourquoi la voiture a quitté la route principale pour s’engager sur ce chemin réservé aux riverains et traverser la voie ferrée, avant d’effectuer une marche arrière sur les rails et d’être percutée par la locomotive par l’arrière gauche. Pour « comprendre le sens de cette manœuvre », « aucune hypothèse n’est exclue », a indiqué M. Étienne. Est-ce « une erreur de parcours ? Un accident mécanique ? Le père a-t-il volontairement reculé la voiture en entendant le train ? », s’interroge le procureur, qui souhaite « ouvrir toutes les portes pour les refermer ».
300 mètres pour s’arrêter« Aucun élément » ne permet à l’heure actuelle de « conforter la piste » selon laquelle la famille aurait été propriétaire d’un des jardins privatifs auxquels le chemin menait, ajouté M. Étienne. Une autopsie pratiquée lundi matin sur le père, et des examens externes des enfants, ont « confirmé que les décès étaient dus au choc ». Des analyses toxicologiques sont en cours pour détecter la « présence éventuelle d’alcool, de produits stupéfiants ou de tout autre produit », a précisé M. Étienne. Un expert mène également des constations techniques sur le véhicule. Le conducteur du TER, qui a eu besoin d’environ 300 mètres pour arrêter le train, a, lui, déclaré avoir vu les feux rouges d’une voiture qui reculait sur la voie ferrée, selon le procureur. La visibilité à ce passage à niveau, signalisé par un « stop » et une croix de Saint-André, situé dans une ligne droite, à environ 150 à 200 mètres d’une sortie de courbe, est conforme à la réglementation en vigueur, selon Réseau ferré de France (RFF). Des mesures effectuées chaque année en ce sens ont été réalisées début avril 2011, concluant à une « visibilité supérieure aux 205 mètres » qui sont la norme, a dit RFF. Ce type de passage à niveau n’est « pas conçu pour que le train s’arrête », mais « pour qu’une voiture puisse passer en sécurité si elle ne voit pas de train quand elle est arrêtée au stop », a détaillé Bruno Flourens, directeur régional Rhône-Alpes Auvergne de RFF.
« Pas un passage à niveau dangereux »Ce passage à niveau ne figure pas dans la liste des plus dangereux, selon les autorités ferroviaires, qui rappellent qu’en dix ans le taux de mortalité a baissé de moitié sur ces intersections. Sur les quelque 15 000 croisements impliquant des trains, d’autres véhicules ou des piétons, les trois quarts sont équipés de feux et de barrières (automatiques ou manuelles), un quart étant dépourvu de barrières comme dans le cas de l’accident du Breuil impliquant un TER et une voiture particulière (ces derniers sont situés majoritairement sur des routes communales). Il s’agit « un passage non protégé, indiqué par des panneaux de signalisation, sur une toute petite route », a expliqué le préfet délégué à la sécurité dans le Rhône. Il s’agit du croisement entre une « voie très peu circulée » et « un passage à niveau peu fréquenté et non classé comme préoccupant », a précisé la direction régionale Rhône-Alpes Auvergne de Réseau ferré de France (RFF).
RFF a précisé que 216 passages à niveau sont, à ce jour, « considérés comme à traiter ou à aménager en priorité contre 364 en 2005 ». En moyenne, une centaine de passages voient leur signalisation améliorée chaque année (installation de feux à diodes, de feux sur potence, d’îlots séparateurs de sens, de mesures pour réduire la vitesse d’approche, etc.) Entre 2009 et 2010, 105 millions d’euros ont été investis par RFF, l’État et les collectivités territoriales pour supprimer ou améliorer des passages à niveau, selon RFF. Le gestionnaire du réseau voit dans ces aménagements l’une des causes de la baisse régulière des collisions depuis dix ans (238 en 2000 contre 110 en 2010). Une tendance observable également pour le nombre des tués passé de 51 en 2000 à 25 l’an passé. « À 98 %, ces accidents sont le résultat du non-respect du code de la route », observe-t-on à RFF : vitesse d’approche élevée des véhicules qui n’ont pas le temps de s’arrêter, passage de véhicule « en chicane » (entre les barrières fermées) ou encore non-respect d’un « Stop » à un passage dit « en croix de saint André » (sans barrière de sécurité).