Guillaume Pépy : "Ma priorité, les trains de la vie quotidienne"
SNCF - Guillaume Pepy, président de la SNCF, a répondu aux lecteurs de Metro. Ponctualité, qualité du service, information des voyageurs, investissements pour moderniser le réseau… tous les grands sujets d'actualité ont été passés au crible lors de cet entretien. Gérald, 24 ans, étudiant
Vous avez lancé jeudi 22 novembre une grande campagne contre les incivilités. Qu'entendez-vous par "incivilités" ? Ce que nous disent les usagers et les agents ! Ce sont toutes les petites manifestations d’irritation au quotidien, des comportements peu agréables, en passant par des petits crachats dans un coin aux haussements d’épaules ou aux pieds sur les banquettes jusqu’aux insultes. Quand cela se produit cinquante fois dans la journée, cela devient insupportable.
Ces petits dérapages sont un manque de correction vis à vis des autres. La vie dans les transports peut vite devenir insupportable pour tout le monde. En France, on se réveille tout juste sur ce sujet. Cela contribue à un sentiment d'inconfort dans les transports pour les usagers. Pour les agents, ce sont aussi des petites agressions qui deviennent inacceptables. Quand on entend plusieurs fois par jour "Ducon", et jamais bonjour ni au revoir, cela met les gens à cran.
Il faut se ressaisir ! Cela passe par de la prévention au quotidien et des actions claires et concrètes pour y répondre. Par exemple, nous agissons sur la propreté à bord des trains soit un budget de 170 millions par an. Et nous allons former en 2013 plus de 10000 agents à ce que l’on appelle la relation interpersonnelle. Mais la réduction des incivilités ne s’arrête pas à la prévention et à la formation. Il faut également inventer de nouveaux modes de sanction qui passeront de l’amende classique à la création de stages de citoyenneté pour les auteurs d’infractions. J’y travaille avec l’Etat et les collectivités locales.
Gérald
On voit de nombreuses personnes qui fument à l'entrée des trains. On les laisse faire. Manque-t-il des effectifs pour réprimer cela ? La loi anti tabac interdit de fumer dans un espace fermé. Dans un espace ouvert, comme un quai à ciel ouvert, c'est possible. Les gens se regroupent pour y fumer. Ce n'est peut être pas terrible mais la règle ne va pas changer demain.
Gérald
En région parisienne, il y a des bulletins de retard valables entre 6 heures et 9 heures, jamais sur le reste de la journée. Quand il y a un retard sur une ligne, aucun motif précis n'est indiqué, ni message audio. Pourrait-on indiquer ce motif et rendre ces informations publiques, notamment pour permettre aux salariés de justifier leur retard auprès des employeurs ? Chacun doit pouvoir obtenir des bulletins de retard à toute heure de la journée. Je vais regarder ce sujet de près. Quant aux petits retards, Il y en a beaucoup qui sont dus à la saturation de nos lignes, qui sont surchargées. Par exemple, le tunnel emprunté par les RER C et RER B, fait partie des dix tunnels les plus fréquentés au monde. Les trains sont à la queue-leu-leu et y circulent donc souvent au ralenti.
Il existe des solutions qui consistent à élargir les tunnels ou en creuser un nouveau. Le président de la Région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, soutient un projet visant à creuser un nouveau tunnel entre Châtelet les Halles et la gare du Nord, où passent les RER B et D. L'autre solution serait de raccourcir la distance de sécurité entre deux trains. Un programme de recherche est en cours pour que les trains puissent circuler toutes les 50 secondes au lieu de 110 secondes sur les lignes de RER.
Et il y a les suicides. En octobre, il y a eu 56 suicides sur le réseau ferroviaire français. C'est le chiffre le plus élevé depuis une dizaine d'années. C'est sujet très sensible et douloureux. Nous réfléchissons à voir comment clôturer autant que possible le réseau notamment en Ile-de-France afin d’empêcher l’accès aux voies.
Gérald
Pourrait-on être plus précis sur les motifs des retards ? Il s’agit là d’un de mes sujets majeurs de préoccupations que je partage avec Frédéric Cuvillier, le ministre des Transports. La ligne B, c'est 900 000 voyageurs et près de 550 trains par jour. Comme sur une autoroute, vous avez à certaines heures un ralentissement du trafic lié au fait qu'il y a trop de trains. C'est la même chose sur la ligne A. Donc, je dis oui à davantage d'info ! Mais sur ces tous petits retards, les causes seront toujours un peu les mêmes.
30% des retards en Ile-de-France sont dus à des causes purement SNCF, comme des trains en panne, 16% sont dus à des incidents sur les rails, les caténaires ou la signalisation. 56% sont dus à des causes externes comme de malaises de voyageurs, des signaux d’alarme malveillants, des colis suspects, des accidents de personnes etc.
Retenez tout de même que 9 trains sur 10 sont à l’heure !
Il y a quand même une bonne nouvelle pour le RER B : le Parlement nous a demandé de fusionner la partie RATP et la partie SNCF, afin que la ligne soit pilotée depuis un seul centre de commande. Ce sera mis en place au mois d'avril. Il y aura alors une commande commune RATP-SNCF à Denfert-Rochereau à cette date. Cela permettra de fluidifier le trafic et d’améliorer l’information des voyageurs !
Marcy, 30 ans, assistante de direction Je me rends chaque jour de la gare du Stade à Paris-Saint-Lazare. J'ai pu constater qu'il y avait beaucoup plus de retards qu'auparavant. Aujourd'hui il m'est quasiment impossible de savoir à l'avance à quelle heure je vais arriver. Pourquoi ne peut-on pas informer en temps réel quand un train est supprimé ? Nous nous efforçons de donner aux usagers les horaires réels et non plus théoriques. Quand vous vous connectez sur le site de Transilien SNCF ou sur notre appli, vous pouvez donc suivre l'heure à laquelle le train va passer exactement. Mais vous avez raison : il faut avoir la même réactivité pour ce qui concerne la suppression des trains et qu’elle soit annoncée en temps réel.
Marcy Je m'interroge sur la question des feuilles mortes, qui provoque en ce moment des perturbations importantes. On se dit que la SNCF est une entreprise assez moderne. Comment expliquez vous ce décalage impressionnant entre cette modernité et un simple problème de feuilles qui perturbe le trafic ? L’histoire des feuilles mortes est comme le problème du verglas pour les voitures. Nous avons des trains laveurs qui nettoient les rails le matin. Malheureusement le trafic est trop important pour qu’il puisse passer aussi souvent que nécessaire. Nous avons d’ailleurs doté tous les trains de la ligne D d'un dispositif d'antipatinage qui fait que l’automne n’est plus un problème.
Martine, 51 ans, commerciale
On nous a beaucoup parlé des changements d'horaires des trains à la SNCF. Où en est-on et à quoi cela sert-il ? Cette année, les changements d'horaires démarrent le 10 décembre et concernent essentiellement le grand ouest et de grand sud-ouest de la France. Il faut préciser qu’un plan national de modernisation du réseau a été engagé avec RFF. En 2013, en Ile-de-France, pas de changements d’horaires mais près de 400 chantiers pour, par exemple changer les rails, l'alimentation électrique ou encore refaire les quais. Les travaux s’effectuent de nuit afin de ne pas perturber les transports du quotidien. Mais parfois, cela peut conduire à un ralentissement le lendemain matin. C’est la contrepartie d'une gigantesque modernisation des voies.
Tommaso, 36 ans, consultant
Les transports en commun sont trois fois moins chers que la voiture, mais ils deviennent très chers pour les plus jeunes. Peut-on imaginer des moyens de voyager à des tarifs moins élevés ?La crise est dure et ma priorité est d'aider les Français à voyager moins cher. Pour cela, nous avons lancé les TGV 100 % Prem's, les IDTGV et nous proposerons début 2013 un "TGV éco" avec des places à moins de 25 euros. Cette formule s'adressera d'abord à tous les usagers de banlieue parisienne, afin de leur permettre d'éviter de passer par Paris et de partir directement, par exemple, de Marne-la-Vallée.
Notre priorité est aussi d’aider les Français à voyager moins cher. De nombreuses cartes de réduction existent "enfant famille", qui permet à une famille modeste avec un ou deux enfants d'utiliser le train avec des réductions allant jusqu'à 50%. Le TGV en France doit être accessible à tous.
Marcy
Vous avez supprimé les formules IDNight et vous allez faire de même pour les IDTGV sur les trajets de moins de trois heures. Est-ce la fin des formules à bas coût ? La suppression d'IDNight est due au fait que les péages sur les trains de nuit étaient trop élevés par rapport à ce que pouvaient payer les usagers. Quant à l'IDTGV, il n'a pas bien marché sur les courtes distances comme Lyon et Strasbourg. Les gens l'utilisaient trop peu. On préfère réserver ces rames aux distances les plus longues. En tant qu'entreprise publique, nous faisons la chasse au gaspi.
Gérald
La SNCF a lancé des lignes de bus, IDBus, entre Paris et Bruxelles, et sur l'axe Paris-Lyon-Milan-Turin. Comptez-vous diversifier encore cette offre ou vous recentrer sur les trains ? L'idée nous est venue que des bus écologiques bien remplis pourraient intéresser les gens. Pour que cela marche, il faut une offre attractive, des prix canons et de la sécurité. Ce n'est pas une concurrence pour le train, cela reste complémentaire. Les premiers résultats montrent qu’on a su attirer de nouveaux clients qui n’utilisaient pas le train habituellement comme des étudiants ou des touristes.
Tomasso
Quel rôle peut jouer la SNCF à l'échelle du Grand Paris ? Le gouvernement a décidé de créer un métro circulaire de grande couronne, le Grand Paris Express. Il faut le temps de le construire. D'ici là, ma priorité absolue est à l'amélioration des lignes existantes car plus de 3 millions de personnes prennent chaque jour les transports en Ile de France avec des RER saturés qui demandent pour la plupart à être modernisés.
Concernant le Grand Paris Express, la SNCF jouera un rôle dans la création de connexions pratiques, rapides et sûres entre les différentes lignes. Cela est fait à Massy-Palaiseau où l'on a connecté le TGV, le RER et les bus. A Saint-Denis, nous avons un projet de connexion entre les lignes H, D, la ligne 14, le tramway et le TGV prévu à long terme.
Martine
Je fréquente la ligne qui mène aux Sables d'Olonne et nous n'avons jamais de promotion sur les billets. Pourquoi ? Sur les lignes peu empruntées, comme entre Nantes et les Sables d'Olonne, il y a peu de promotions. Mais nous devons nous pencher sur le sujet. Notre objectif est de faire des tarifs accessibles pour tous.
Gérald
La SNCF prévoit des recrutements supplémentaires l'an prochain. Combien en prévoyez-vous ? Parce que la SNCF "va bien", nous aurons embauché plus de 10000 personnes à la fin de l’année 2012. Nous sommes donc dans le top 3 des entreprises qui recrutent. Nous allons embaucher 500 emplois d'avenir sur trois ans, avec une formation qualifiante destinée aux jeunes qui sont éloignés de l'emploi. Parmi ces emplois, une centaine concerneront les médiateurs de ligne qui participeront à la réduction des incivilités.
Marcy
La SNCF a réalisé des bénéfices l'an passé. Qu'en faites-vous et pourquoi réalisez-vous des économies ? La plus grosse part est réinvestie pour faire des travaux dans les gares et rénover le réseau. En pleine crise, nous avons investi l'an passé près de 2,5 milliards d'euros. Un autre tiers revient à l’État. Il reste le dividende salarial, qui va aux cheminots. Mon objectif est de moderniser le Service Public et d’innover sans cesse pour être à la hauteur de la qualité de service attendue par les clients.