Ma galère en TER dans les Landes
La locomotive du TER Bordeaux-Hendaye agonise à Morcenx (40). Descente obligatoire, bus et gros retardLe TER est parti à 9h47 le dimanche 3 novembre. Les voyageurs sont arrivés en bus à Biarritz à 14h36 au lieu de 12h04.
«Il y a toujours un train qui part pour quelque part », chantait Gilbert Bécaud. Et qui arrive toujours quelque part, mais pas forcément où on l’attend. Les voyageurs du train TER 67219 en ont fait l’expérience à leurs dépens le dimanche 3 novembre.
Est-ce un signe prémonitoire ? Quelques minutes avant que le convoi ne s’ébranle de la gare Saint-Jean, à Bordeaux (départ 9h47), une annonce invite les personnes installées dans les cinq dernières voitures à descendre et à monter en tête du train. Surprise, la contrôleuse que vous apercevez et que vous interrogez n’est pas au courant. Elle va aux nouvelles, confirme et prévient que vous êtes dans un des « wagons condamnés », pour reprendre le langage de la SNCF.
Il ne faut pas perdre de temps, vous n’êtes pas le seul à déguerpir rapidement armé de vos bagages. Moyennement agréable, on en conviendra. Pourquoi pareil déménagement dans l’urgence ? Le contrôleur - on compte quatre agents sur ce Bordeaux-Hendaye - qui vient vérifier votre billet évoque la sécurité : la longueur du quai détermine la longueur du train, aucune voiture avec voyageurs ne doit dépasser le trottoir d’embarquement, les petites gares ne sont pas adaptées aux longs convois. Pourquoi découvre-t-on le problème au dernier moment ? La colle. Pas de réponse.
Anomalie techniquePas si grave, vous avez la promesse d’un déjeuner à Biarritz, où vous devez arriver (le billet en fait foi) à 12h04, vous n’allez pas râler, la vie est belle ! Sauf que votre mine change quand, en gare de Morcenx, la locomotive de ce TER a des anomalies techniques et que le conducteur ne sait pas s’il pourra être dépanné.
Personne ne s’affole, des sourires s’échangent. Quelques minutes s’écoulent, pas de nouvelle annonce, c’est bon signe, « ils doivent réparer ». Et puis, voilà que l’information redoutée tombe, que les visages s’assombrissent : la locomotive ne sera pas dépannée, il faut descendre du train. « Des bus vous conduiront à votre destination », précise l’annonce. Le contrôleur que vous croisez à l’instant où vous quittez le train avant votre longue attente devant la gare de Morcenx (1 heure et 16 minutes) ne s’émeut guère de la situation : « Vous n’êtes jamais tombé en panne avec votre voiture ? » lance-t-il. C’est vrai, vous n’y aviez pas pensé.
Qui va où ?Votre déjeuner à Biarritz a du plomb dans l’aile, mais il devient secondaire quand vous échangez avec vos compagnons d’infortune. Pas de colère, de la contrariété (un peu), de l’incompréhension et de la résignation (beaucoup). « Les TER, c’est pas terrible, ils partent rarement à l’heure et arrivent rarement à l’heure », racontent plusieurs voyageurs qui citent l’exemple de la ligne Pau-Tarbes-Toulouse. Certains pointent « le matériel vétuste, l’inconfort, le voyage debout » (expérience vécue sur un trajet Dax-Pau) ; d’autres expliquent que, sur les parcours Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Hendaye, ils s’organisent pour prendre le TGV : « C’est plus sûr et parfois c’est moins cher. » Notre billet aller, du reste, coûtait 24 euros (TER) et notre billet retour (TGV) 23,50€.
C’est en autocar que nous rallions Biarritz. Il n’y a pas de précipitation à l’arrivée du premier bus, car le chauffeur, qui n’a reçu, semble-t-il, aucune consigne, ignore s’il doit prendre la direction de Pau via Dax ou d’Hendaye via Dax et attend. Quand, pour avoir la réponse, un voyageur cherche un agent de la SNCF, il ne voit personne. Un vide mal ressenti, chacun ayant en mémoire le nombre d’agents dans le train (quatre) qui ont disparu dans la nature. Le chauffeur du premier bus, agacé, décide de choisir la route de Pau. Et prévient, sur un ton ferme : « Je ne veux voir aucun bagage dans le bus. » Quelques minutes après, le second bus fait son apparition. Son chauffeur, plus détendu, aide à déposer les bagages, énumère les gares qu’il va desservir, Dax, Bayonne, Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye, et fournit l’heure à laquelle vous serez rendu.
Les voyageurs espagnols montés à Bordeaux, visiblement inquiets, sont rassurés. Le car démarre, rien à redire sur le confort, l’ambiance est sage, vous liez connaissance avec votre voisin, un jeune médecin cool. Arrivée à Biarritz et retour à la réalité. Il est 14h36, adieu le déjeuner, reste à partir en quête d’un sandwich et d’un café.
« Du matériel Corail ancien et en bout de course »Conseiller régional en charge des TER Aquitaine, Marc Du Fau de Lamothe n’est pas surpris par l’incident technique qui a contraint le TER 67219 à rester en gare de Morcenx. « Votre description ne laisse aucun doute, la locomotive qui est tombée en panne était ancienne et tractait avant des rames Corail. Le matériel TER n’est pas que de l’équipement neuf, il existe un matériel de récupération ancien et en bout de course qui est censé être radié à la fin de l’année et aurait dû être remplacé en 2012 », explique-t-il.
Et de souligner : « Le Conseil régional a commandé 46 nouvelles rames. Les constructeurs, malheureusement, ont du retard et nous allons devoir faire une année de plus avec ce matériel usé qui crée des problèmes et que la SNCF, à qui nous avons confié l’exploitation des TER, entretient à moindres frais car elle sait qu’il doit disparaître. »
La durée de vie d’un train est de quarante ans. Il existe deux ateliers de réparation, l’un à Bordeaux et l’autre à Hendaye. Quand l’incident technique survient entre les deux villes, l’intervention immédiate est presque impossible, surtout si la défaillance est sérieuse.
Marc Du Fau de Lamothe ne cache pas l’agacement de la Région « face à ces incidents techniques qui se répètent ». « Nous faisons un point précis avec la SNCF tous les quinze jours, mais notre action est limitée tant que les nouvelles rames ne sont pas en circulation », poursuit-il. L’équipement TER inadapté sera renouvelé dans sa totalité d’ici à 2017, pour un investissement de 380 millions d’euros.
S’agissant de la régularité des TER (tenir les horaires), l’élu assure qu’elle atteint le taux de 89% et que les retards sont liés « à de gros travaux sur les voies qui perturbent le trafic ». Concernant les places assises, l’offre devrait augmenter de 40% d’ici à 2017, un progrès qui pourrait écarter le risque de voyager debout.