Merci pour cette étude argumentée !
Les USA s'étaient donc engagés dans un déclin général du transport ferroviaire à l'intérieur de leurs frontières (et on entrainé le Canada dans cette galère). J'avais noté que dans les années 50, on avait carrément fermé le métro de Cincinnati et que la suppression d'une ligne de métro à 4 voies dans New-York avait fait un certain bruit dans la presse (cette ligne ne fut pas remplacée par un mode lourd) entre les arguments justifiés de la monstruosité de ce viaduc en pleine ville et ceux en faveur des transports urbains.
Quant à la suppression du réseau secondaire en Europe occidentale, il est dans la feuille de route de pratiquement tous les exploitants nationalisés, soit de manière discrète, soit par des "plans" spectaculaires. Que ce réseau soit bon ou pas bon, moderne ou vétuste... Des élus se sont opposés, des chambres de commerce, des associations patronales... sans grand résultat.
Quelle est l'originalité de la politique des transports de la Ve République, de 1958 à 1981 ? Surtout rattraper le temps perdu causé par le conflit mondial puis les guerres coloniales. Le métro régional est dans les tiroirs depuis... 22 ans lorsque Robert Buron donne le coup de pioche symbolique dans l'ile de Neuilly en 1961. Puis vient le tour du métro urbain, dès que les dépenses du RER s'allègent. L'idée d'étendre ce métro en banlieue date des années 20, dans l'optique du grand Paris qui regrouperait la commune centre et sa banlieue dans le même exécutif comme le grand Londres ou le grand Berlin. On arrivera pas à ce grand Paris mais c'est une autre histoire.
Dans la logique de planification (alliance des militaires et des hauts fonctionnaires), les métropoles régionales doivent se doter d'un métro. On commencera par les plus grandes, Marseille, Lyon et Lille.
Ce qui n'est pas du tout original en France et même très conforme aux pays occidentaux, USA compris cette fois, c'est l'énorme part des crédits accordés au transport routier. Le chaos est volontairement causé par la suppression des tramways et de certaines lignes secondaires mais qui ne l'étaient pas tant que ça, au moins à certaines heures. Certains services des Pont et Chaussées avaient donné l'alarme, mais on les a priés de s'occuper que de leur travail, a savoir agrandir les routes. La Ve commence par rattraper aussi les projets autoroutiers des années 30/40, à savoir l'A1, A13, le périphérique parisien, puis vient le plan attribué à Pompidou avec le système des concessions et la CNA où les usagers paient l'extension du réseau.
La suppression des lignes "non rentables" et l'extension du réseau routier est bien dans les "recommandations" de l'OCDE de l'époque. Nul n'est contraint de les suivre mais ces recommandations sont assorties de crédits largement distribués en "faveur de la modernisation de l'économie occidentale". Les partis de gouvernement s'y sont largement ralliés.
En même temps, l'OCDE a un partenaire à l'autre bout du monde qui fascine et inquiète à la fois dans ces années 60 : le Japon. Dans notre domaine, c'est le Shinkansen. De Gaulle, qui s’intéresse de près aux compétitions olympiques, en a connaissance dès 1964. Et s'en agace profondément alors que nous avons le record de vitesse sur rail depuis 9 ans. On ne sait pas ce qu'il a dit à Pompidou ni ce que ce dernier en a pensé, mais d'autres responsables en font état. La SNCF va devoir se remuer. On va dire qu'en 8 ans, elle va présenter un projet complet et argumenté pour Paris-Lyon, matériel, ligne et principes d'exploitation. Pompidou devenu président va attendre un peu puis va le faire passer avec une modification d'importance, la traction électrique. Logique dans le cadre du programme électro-nucléaire et l'indépendance énergétique. Mais comme on l'a dit, il faudra encore un septennat pour que le TGV devienne une politique assumée (mais pas financée) par l'Etat.
La décennie 70 voit la politique évoluer parce que les USA n'ont temporairement plus les poches aussi pleines et que la crise pétrolière met le bloc occidental dans la difficulté (mais qui ignore ce qui se passe, en pire, de l'autre côté du rideau de fer).