La galère du Paris-Pau de nuit
A la gare de Pau, hier matin, 11h20. Le train de nuit 4053 vient d'arriver à quai. "Pas trop tôt !", souffle un blondinet d'une dizaine d'années. "Oui, enfin", lui répond son frère... Tous deux tombent dans les bras de leur grand-mère qui les attend sur le quai. Il faut dire que l'Intercités qu'ils viennent de quitter est parti de la gare d'Austerlitz la veille à 22h12.
13h10 pour relier Paris à Pau. Le trajet était prévu pour durer 8h36. Mais rien ne s'est passé comme prévu pour les voyageurs du Paris-Irun dont je fais partie.
Vers 23h, un premier arrêt a mis la puce à l'oreille de quelques-uns. Nous n'avons pas encore quitté la région parisienne que le train s'immobilise en pleine voie pendant une vingtaine de minutes.
Il s'immobilise à nouveau vers 2h du matin. Les plus avisés, smartphone en main, ont déjà consulté le site d'information Infolignes qui annonce "40 min" puis "1h30" et finalement "3h de retard" pour un "incident technique sur le train". Tout le monde est plongé dans le noir des compartiments-couchettes. La plupart des voyageurs dort profondément. Pour l'instant, personne ne communique à bord du train. Le GPS de mon téléphone indique que nous nous trouvons seulement à Orléans !
A 6h, les premiers voyageurs s'inquiètent. "Je ne reconnais pas le paysage", explique une grand-mère habituée à descendre à Tarbes. Et pour cause, le train qui devait arriver dans les Hautes-Pyrénées à cette heure-ci passe à proximité de Limoges. "Mais où sommes-nous ?", s'inquiète en anglais un touriste russe qui craint de manquer la gare de Lourdes où il doit descendre avec sa famille à 6h21.
Dans le couloir, les prises électriques sont prises d'assaut pour recharger les téléphones portables. Mais difficile de passer des appels, faute de réseau. Toujours aucune annonce dans les haut-parleurs. "J'ai vu les contrôleurs, ils ont annoncé 2h30 de retard", glisse une jeune voyageuse en revenant de la voiture qui nous précède.
A 6h30 : "Regardez, ici, c'est Gourdon. Nous sommes dans le Lot, même pas encore à Toulouse !", s'exclame une voyageuse. C'est un peu la panique dans le couloir où sont sortis des voyageurs. "J'avais mis mon réveil pour être sûre de ne pas manquer mon arrêt et j'entends que nous avons 3h de retard !", s'indigne Mireille Vanara, venue chercher ses petits-enfants à Orthez avant de repartir à Perpignan.
A 7h, des voyageurs cherchent les contrôleurs. "Dans la voiture 15, on nous a tout volé !" Un homme explique que des sacs, des vestes et de l'argent ont disparu dans plusieurs compartiments. Petit mouvement de panique, tout le monde vérifie qu'il est bien en possession de son portefeuille, de ses papiers et de ses bagages.
Peu avant 8h, le train arrive en gare de Toulouse. Première communication officielle dans le train : "Notre train circule avec 3h30 de retard." Sur le quai, quelques-uns descendent pour se dégourdir les jambes et fumer une cigarette. "Des têtes émergent des compartiments-couchettes : "J'ai bien entendu ?" La voix du contrôleur, dans les hauts-parleurs, vient confirmer et même plus : "Suite à des vols, nous attendons la police ferroviaire, notre train aura un retard supplémentaire de 15 minutes." Soupirs, les voyageurs sont résignés...
Il est 8h30. Après un long arrêt à Toulouse, notre train peut finalement repartir. Sur Twitter, le compte officiel @SNCF_ LaRadio m'annonce un retard de "4 heures" pour "une panne et une intervention de la police". On se dit alors que c'est la dernière ligne droite. Mais c'est sans compter un nouvel arrêt, sans motif particulier, à Muret puis un autre à Montréjeau pour récupérer le ravitaillement : des petits-déjeuners doivent être distribués. "On les attend. Heureusement, j'avais pris quelques goûters", explique Christelle Lorenz, partie d'Alsace pour rejoindre des amis en vacances à Bayonne avec son fils Nathan, 7 ans, qui trouve le temps "un peu long".
Aux alentours de 10h15, le train entre en gare de Tarbes avec 4h15 de retard. A Lourdes, des voyageurs perturbés par les changements d'horaires sont à deux doigts de manquer leur destination. Un nouvel arrêt imprévu à Coarraze-Nay vient à bout de la patience des plus calmes.
A 11h20, je descends du train avec quelques dizaines de voyageurs à Pau. "Elles sont où les enveloppes ? Je veux me faire rembourser. Et intégralement…", gronde une mère de famille. Le panneau d'affichage, dans le hall, indique "retard indéterminé" pour le Corail Intercités 4053… Sans doute un synonyme de 4h30.
13h10 pour relier Paris à Pau. Le trajet était prévu pour durer 8h36.
Paris-Irun via ToulouseDepuis décembre 2011, les trains de nuit à destination du Sud-Ouest ne passent plus par Bordeaux mais par Toulouse, en raison des travaux sur la ligne à grande vitesse Paris-Bordeaux "qui bloquent les voies entre 6h et 9h par nuit", explique la SNCF.
Les trains Paris-Irun et Paris-Tarbes qui se séparaient à Dax ne forment plus qu'un seul et même convoi qui traverse la France en passant par Orléans-Les Aubrais, Vierzon, Limoges, Cahors, Montauban, Toulouse.
Les gares desservies au petit matin sont, dans l'ordre, Tarbes, Lourdes, Pau, Orthez, Dax, Bayonne, Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye et Irun. "Cette ligne est difficile à maintenir en raison des travaux qui ont lieu dans toutes les zones qu'elle traverse. Mais le choix a été fait de la conserver au nom du service public, bien que son exploitation soit difficile."
ZOOM "Les billets seront remboursés" Une panne et des vols. Selon les explications de la SNCF, le train Corail Intercités 4053 qui reliait Paris à Irun a connu "un problème matériel sur la motrice entre Brétigny et Les Aubrais", à Artenay (Loiret) plus précisément. Il a alors été décidé de faire remorquer le train par une nouvelle motrice. Le retard était alors de 2h30 au moment de redémarrer. "Mais avec le poids des deux motrices, la vitesse du train est passée de 160km/h à 140km/h. A cela s'est ajoutée l'intervention de la police à Toulouse pour des vols dans les couchettes", explique-t-on encore du côté de la SNCF.
Prise en charge. "Des petits-déjeuners ont été servis à bord. Un groupe d'enfants en colonie de vacances a été pris en charge au buffet de la gare de Pau. Des plateaux-repas et de l'eau ont également été distribués à Dax". Environ 200 personnes se trouvaient à bord du train.
Remboursement. La SNCF rappelle également que "la garantie voyage fonctionne dans ce cas-là" et que "les voyageurs seront intégralement remboursés" s'ils renvoient leur billet et les renseignements les concernant dans les enveloppes SNCF Régularités mises à disposition en gare.