L’état des voies est ahurissant, on se demande comment ça ne déraille pas en permanence. D’ailleurs on voit à un moment (23’22’’) la remise sur les rails d’une rame double qui a quitté la voie ; un gros plan sur une roue, quand le bogie est remis en place à la main et au pied, montre un boudin usé à l’extrême (24’25’’).
Pourtant ça roule, mais lentement dans les passages critiques. Ce matériel PCC (sans doute des Tatra tchécoslovaques) est increvable : même dans un sale état, même usé jusqu’à la corde, ça tient quand même et ça circule. Mais dans ces trams secoués comme des barques les voyageurs pourraient avoir le mal de mer. Les conducteurs ont du mérite : aucun panneau ne signale les points critiques, il faut savoir.
Les chaussées sont également dans un triste état, même en Rolls ça doit secouer dans les carrefours. La voirie est apparemment d’une extrême largeur dans bien des cas. C’est une chance pour les tramways, mais on peut s’inquiéter : si la reconstruction des voies délabrées excède le budget municipal, on sera peut-être tenté de les supprimer et de goudronner de larges chaussées nouvelles.
Les réparations de fortune faites sur la voie avec des bouts de rails paraissent dangereuses (voir en particulier à 22’22’’) :
– lacunes importantes entre les extrémités des rails ;
– coupons de rails dont la table de roulement est très en dessous ou très au dessus de la voie courante, et de plusieurs centimètres, mauvaises liaisons entre rails et coupons ;
– affaissement du terrain qui ne porte pas partout la voie, ce qui fait plonger les trams ;
– très mauvais alignement de la voie, même dans les parties non réparées, les rails font des zigzags.
Parfois une fosse de visite est creusée entre les rails, isolée au milieu du terre-plein d’une avenue (on s'attend plus à en voir dans un dépôt). Les garde-corps protégeant les fosses sont pour certains hors d’usage. Le risque n’est pas mince d’y tomber la nuit, en l’absence d’éclairage proche.
Le matériel roulant est en mauvais état :
– des cabossages un peu partout sont laissés en l’état ;
– propreté très douteuse ;
– piètre état des peintures ;
– sièges rudimentaires ;
– jeu dans les portes ;
– ampoules qui pendent à bout de fil, ici ou là des rampes d’éclairage sont laissées éteintes la nuit ;
– vitres brisées non réparées ;
– omniprésence des publicités, avec une invasion des affichettes pour prendre le taxi (peut-être sont-ils très concurrentiels ?)…
Curieusement, compte-tenu de leur âge et des chocs subis, les trams ne sont pas trop rouillés.
L'environnement est triste et morne. Çà et là, dans un décor de terrain vague (au début du film) on voit de vieilles maisons basses, à rez-de-chaussée, assez pittoresques et dont les volumes et les lignes évoquent un probable habitat traditionnel en bois, peut-être disparu. Ces maisons souvent de brique, bien que dans un état médiocre, ont de réelles qualités esthétiques mais elles sont isolées dans un décor massif de HLM où par-ci, par-là, une église orthodoxe aux bulbes dorés est le seul élément de beauté dans une vaste zone lugubre.
Mais c’est un film intéressant. Et ce qui se passe ici à Kharkov (ville : 1 450 000 hab, agglo : 1 830 000 hab) doit aussi se retrouver aussi ailleurs.
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P.-S. : je suis presque sûr que les tramways de Charcé, de l'abbé Péneau, avaient une meilleure voie.