Bonsoir Bernard,
Cette photo prise à Nantes est vraiment très intéressante. Elle a été prise place du Commerce,
[Édition : texte complété] vers le nord-ouest, la bourse étant hors champ à gauche, la façade de droite est celle où se trouve aujourd'hui un cinéma
[Fin de l'édition]. C'était le point central du réseau d'autobus de la CNTC (Cie nantaise de transports en commun). Il y avait toutefois un second point central, mais beaucoup moins important : l'église Saint-Nicolas située à environ 300 mètres de là, à vol d'oiseau, vers le nord.
[Édition : paragraphe remanié] Place du Commerce passaient les lignes urbaines 11, 23, 30, 34, 50-51-52-53, ainsi que les deux lignes suburbaines Y et Z ; soit dit en passant on voit que le réseau était fort simple par rapport à celui d'aujourd'hui et même à celui des années 70. Le terre-plein de cette place était entièrement aménagé en quais pour les autobus et il y avait aussi un grand kiosque pour la station de la CNTC,
[Édition : texte complété] il se trouvait hors champ à gauche
[Fin de l'édition] ; à Nantes on le nommait « aubette », un terme qui pourtant n'était utilisé qu'en Belgique et non pas en France. Au sujet de ce mot « aubette » je hasarde une explication qui m'est toute personnelle : je crois que le réseau de Nantes, après les tramways Mekarski à air comprimé, était passé dans le giron du groupe belge Empain qui possédait de nombreux réseaux en Belgique ; il en possédait aussi en France. Ce n'est qu'une supposition de ma part mais je croirais facilement que lors de la transformation du réseau à l'électricité (les motrices électriques de Nantes avaient été construites par la Société Franco-belge) des ingénieurs belges avaient séjourné à Nantes et ils parlaient très vraisemblablement d'aubette ; par instinct d'imitation on adopta sans doute ce mot localement
[Fin de l'édition]. Mais je ne suis sûr de rien. Toujours est-il qu'en France on nommait « kiosque » ce genre d'édicules, et non pas « aubette ». Mais, j'insiste, ce n'est qu'une supposition personnelle. Pour ma part j'ai une préférence pour kiosque.
À Saint-Nicolas, l'autre station centrale, passaient les lignes 21-22 et 41-42, mais le soir, vers 21 heures, ou un peu avant, ces lignes étaient détournées vers la place du Commerce, St-Nicolas n'était alors plus desservi. Ce détournement avait pour but de regrouper les correspondances au Commerce, quand à la soirée les fréquences se réduisaient, c'était plus pratique pour les correspondances mais pour les itinéraires c'était moins commode. Je ne sais pas si le dimanche il en allait de même.
Sur la photo on voit au moins 3 et peut-être 4 Chausson APU, à arrière plat et pavillon surbaissé. Ce ne sont donc ni des APV ni des SC4 qui, eux, avaient tous un pavillon rehaussé. L'autobus au centre de la photo roule sur la ligne circulaire 51 (51 dans le sens horaire,
51 barré en sens anti-horaire). Enfin… circulaire… elle l'était vaguement mais pas trop quand même car au lieu d'être en forme de cercle elle ressemblait plutôt à deux parenthèses accolées (), deux arcs qui reliaient le Commerce à la Morrhonnière où était le principal dépôt ; de plus à partir de la Morrhonnière ces deux arcs étaient prolongés à certaines heures vers le nord par une antenne double soit vers la Jonelière, soit vers la Boissière. On le voit : le tracé de cette ligne n'était pas si simple, pour ma part je l'interprète non pas comme une circulaire mais plutôt comme deux itinéraires vaguement parallèles (les deux arcs) ayant les mêmes points extrêmes (Commerce et Morrhonnière), chacun de ces deux itinéraires pouvant être parfois prolongé vers la double antenne au nord (Jonelière ou Boissière). Les indices 51 et
51 barré étaient bien ambigus pour désigner cette antenne : 51 pour descendre vers Morrhonnière,
51 barré pour monter à Jonelière ou Boissière, ce n'était pas si simple à comprendre.
[Édition : rajout] Cette ligne 51-
51 barré, du moins dans sa partie circulaire, couvrait un territoire restreint : écart est-ouest = 1,3 km environ, écart nord (Morrhonnière)-sud (Commerce) = 3,1 km environ, ces distances étant prises à vol d'oiseau. La plus longue des deux antennes, celle de la Boissière qui était la plus au nord, mesurait environ 3 km à partir de la Morrhonnière. Cette ligne 51 avait donc un développement maximum de 6 km du Commerce à la Boissière, cette distance étant très approximative car ne tenant pas compte des sinuosités de la partie circulaire
[Fin de l'édition].
AUTRES REMARQUES SUR LA PHOTO :— sur le bus au centre du cliché la porte arrière est ouverte : le service était à deux agents, on montait par la porte arrière et on payait au receveur qui visait aussi les cartes d'abonnement et poinçonnait les tickets en lamelles avec sa « moulinette » de fabrication CAMP (Cie d'appareils mécaniques de précision) ;
— la porte avant est ouverte : le conducteur voulait-il un peu d'air frais — le moteur à côté de lui devait apporter de la chaleur — ou bien comme dans certains autres réseaux, dont Strasbourg, les abonnés pouvaient-ils monter à l'avant et montrer leur carte, cela soulageait le travail du receveur ;
— on notera que ces bus sont dépourvus de capot de ligne et que, s'ils sont équipés d'une girouette, celle-ci ne servait à rien car le film qu'elle contenait restait vierge. À Nantes on avait préféré une solution-maison :
– [Édition : paragraphe remanié] un boîtier lumineux pour l'indice de ligne (il était en tôle et sa face avant ouverte recevait dans une glissière une plaque translucide blanche sur laquelle était sérigraphié en bleu ou en noir — ma mémoire hésite — le numéro ou la lettre de la ligne) ; ce boîtier était éclairé de l'intérieur, ses faces internes étaient peintes en blanc, la face supérieure était fixée par une charnière et s'ouvrait à la fois pour accéder à la glissière (pour placer la plaque translucide de l'indice de ligne) et pour manipuler la barre rouge horizontale qui pouvait barrer l'indice de ligne. Cette barre rouge, analogue à la barre rouge traditionnelle des traditionnels capots de ligne sur les autres réseaux, était pivotante de haut en bas : relevée elle était cachée, abaissée elle devenait visible et l'indice devenait 51 barré) ; labarre rouge indiquait généralement un service partiel mais sur la ligne 51 elle différenciait les deux sens de circulation [Fin de l'édition]. Ce boîtier d'indice était placé sous le pare-brise, à gauche en le regardant depuis l'extérieur, près de l'arrondi d'angle ;
– une plaque en aluminium sur laquelle était sérigraphié dans un bleu assez vif le nom du terminus ; elle était placée très bas, devant la calandre, entre le bas du pare-brise et le haut su pare-choc ;
– ce système fait maison était loin de valoir la disposition classique, livrée en standard dans les autres réseaux (un capot de ligne et une girouette sur le toit, tous deux lumineux et parfaitement visibles de loin, même la nuit). Ainsi à Nantes quand un cycliste ou une voiture étaient devant le bus ils masquaient le boîtier d'indice et la plaque de terminus ; de plus la nuit cette plaque était illisible puisque non éclairée. Mais pourquoi donc faire avoir fait si compliqué quand c'était si simple en standard ? Je crois qu'un chef de dépôt ou un chef d'exploitation était à l'origine de ce système, selon un ami nantais très bien informé. Pour ma part je regrette les capots de ligne qui ne manquaient pas d'allure (sur les actuels tramways d'Amsterdam ils sont énormes et assez esthétiques)
Nantes était l'un des réseaux très majoritairement Chausson en France, avec Strasbourg et Toulouse. Il y avait aussi la RATP, évidemment, mais ce n'était pas du tout le même contexte.
Les réseaux français qui n'avaient pas connu de Chausson étaient rares. De mémoire je citerais :
— Rennes (réseau MGT-Million-Guiet-Tubauto et Berliet) ;
— Le Mans (trolleybus Vetra et bus Berliet et Renault) ;
— Valenciennes (réseau Brossel).
Probablement, mais c'est tout de même à vérifier, ces réseaux n'avaient pas non plus connu de Chausson :
— Dijon (réseau Vetra, Renault et Berliet) ;
— Lorient (réseau Renault) ;
— Reims (réseau Renault) ;
— Caen (réseau Renault) ;
— Pau (réseau Renault) ;
— Troyes (réseau Renault et Berliet).
Cas particuliers :
— Saint-Étienne : pas de Chausson sur le réseau CFVE (trolleybus Vetra, bus principalement Berliet), mais il y eut des Chausson sur le réseau des autocars Granger (cars rouges), j'avais vu au moins un APU à deux agents, gris et rouge, en 1968 sur la ligne Saint-Étienne – Saint-Chamond — Rive de-Gier ;
— Angers : pas de Chausson sur le réseau de la Cie des tramways (réseau Renault et Berliet), mais quelques Chausson sur la ligne Angers – Avrillé – Montreuil-Belfroy des Transports Démas (ex-Siroux). Il y eut aussi — mais c'est un cas très particulier — 3 autobus Chausson pour le ramassage du personnel de l'usine de Montreuil-Belfroy des Tréfileries et Laminoirs du Havre, devenue Tréfimétaux, puis Cégédur) ;
N'oublions pas les trolleybus Chausson :
— Metz (1 seul exemplaire, le prototype) ;
— Le Havre (4 voitures) ;
— Brest (6 voitures).