Le Journal du Pays Basque, 15 février
Réhabiliter le transport ferroviaire de voyageurs
Avec les bus et autres autocars, l’autre moyen possible de limiter les déplacements en voiture est le déplacement en transport en commun ferroviaire. Quatre lignes sont ou pourraient être utilisées pour du transport en commun de proximité au Pays Basque Nord. Au Pays Basque Sud, au contraire, il y a une offre d’une grande qualité. Le travail mené ces dernières années sur les transports en commun ici a d’ailleurs relancé l’idée d’une liaison entre Bayonne et Donostia. Tour d’horizon.
Bayonne-Saint-Jean-Pied-de-Port
La SNCF y avait abandonné le fret et si le trafic voyageur y subsiste, c’est parce que la région, en charge des TER, a décidé de le maintenir, mais le service rendu est tel qu’il n’y a pas de voyageurs. Mais l’époque changeant, les collectivités s’intéressent de plus en plus à cette ligne. Des travaux ont permis la rénovation des voies entre Cambo et Bayonne. D’autres devraient être engagés pour réhabiliter le tronçon Cambo-Saint-Jean-Pied-de-Port. “La région et en train de mettre le paquet”, affirme Michel Veunac, conseiller régional et vice-président du Stacba (syndicat des transports en commun de l’agglomération bayonnaise). Pour lui, les choses avancent et il espère que rapidement une offre pourra être proposée “à des horaires qui conviennent aux voyageurs”. D’autres pensent que la ligne n’a pas d’avenir : “Les gares sont souvent loin des habitations et n’ont pas de places de stationnement suffisantes”, estime un connaisseur du dossier. “Par exemple, à Ustaritz, on ne peut faire de places de parking supplémentaires et de plus, certains habitants sont plus près de Bayonne que de la gare”, explique-t-il. Des arguments qui font bondir Peio Dufau de la CGT des cheminots et du collectif En train Pays Basque. Pour lui, “ce qu’il faut, c’est offrir un bon ‘cadencement’ avec des horaires adaptés. Si le service est là, les gens préféreront prendre le train plutôt que de se retrouver dans les embouteillages à Maignon”. Le syndicaliste critique par contre vertement les choix techniques qui ont été faits pour la rénovation de la ligne : “La première aberration, ça a été d’abandonner l’électrique pour passer au diesel. Actuellement, il n’y a plus de réservoir sur Bayonne, le train doit donc aller sur Pau pour se ravitailler, soit 200 kilomètres aller-retour”. “D’autre part, les voies ont été rénovées pour que les trains puissent aller à 70 kilomètres/heure alors qu’en dépensant un peu plus, on aurait pu les faire aller à 100.” Cependant, il estime qu’il est possible d’offrir un service de qualité de Cambo à Bayonne. “En plus, à Cambo, il y a la possibilité de créer un parc de stationnement satisfaisant pour les voitures.”
Bayonne-Puyoô
C’est la ligne qui pose le plus de problèmes. Pourtant, c’est une ligne qui a un gros potentiel car elle dessert des lieux d’habitations de plus en plus courus par des gens qui fuient l’agglomération pour cause de prix trop élevé de l’immobilier (Urt, Urcuit, Peyrorade…). Selon le collectif En train Pays Basque, les horaires et le “cadencement” ne sont pourtant absolument pas adaptés aux besoins. D’autre part, souligne Victor Pachon du Cade, “il n’y a qu’une seule voie, les trains ne peuvent pas se croiser, alors qu’il y a la place pour installer une deuxième voie”. Comme pour Bayonne-Saint-Jean-Pied-de-Port, les collectivités sont intéressées pour un service TER de qualité sur ce tronçon et, comme pour l’autre ligne, les négociations risquent d’être serrées entre la région en charge des TER et la SNCF entrée dans une logique de rentabilité à tous crins depuis l’ouverture du rail à la concurrence.
Dax-Hendaye
Le TER qui va de Bayonne à Hendaye est actuellement celui qui convient le plus. “Le problème”, explique P. Dufau, “c’est que la SNCF se fait concurrence à elle-même entre TER et grandes lignes. C’est aux horaires de pointe que les trains sont le plus demandés donc les plus rentables. Sur une durée de trois quarts d’heure, il peut y avoir trois trains et puis pendant deux ou trois heures, plus rien. Pour nous, il faut un meilleur ‘cadencement’. Par exemple, toutes les heures et toutes les demi-heures aux heures de pointes.”
La ligne du soufre
Appelée ainsi car c’est par elle que transite le soufre qui entre et sort du port de Bayonne, elle pourrait tout à fait devenir aussi une ligne voyageurs d’autant qu’elle dessert des zones d’activités : après l’hôpital de Bayonne et les lycées Cassin et Lauga, elle court vers Anglet-La Barre via les allées Marines d’un côté et vers Boucau via la gare de Bayonne de l’autre. Cette utilisation de la ligne du soufre est plébiscitée par le mouvement Bizi! Selon P. Dufau, “les trains peuvent rouler dessus. Tout ce qu’il manque, c’est des stations avec des quais”. Victor Pachon rappelle que “c’est une proposition que nous avons faite il y a 15 ans au Conseil de développement”. Là aussi, il semble que les élus de l’agglomération réfléchissent à la question.
Bayonne-Donostia : lubie ou réalité
Dans les années 1990, certains rêvaient d’un Topo allant jusqu’à Bayonne. À la création de l’eurocité, Alain Lamassourre voulait faire d’une ligne “tram-train” entre la capitale du Labourd et celle du Gipuzkoa. On croyait le projet enterré, mais début 2012, Jean Grenet, président de l’Acba et cogérant de l’eurocité, ressortait des cartons l’idée d’un “tram-train transfrontalier”. Il annonçait aussi confier le dossier à l’eurorégion Aquitaine-Euskadi. Cela pour des raisons de compétences puisque c’est l’Aquitaine qui a la compétence sur les TER et la Communauté autonome basque qui, avec Euskotren, gère le réseau Metro Donostialdea (le Topo). Cependant, pour faire cette liaison, plusieurs problèmes se posent. Tout d’abord, l’écart des rails n’est pas le même dans les États français et espagnol. Cependant, en 2017 (théoriquement), l’écart des rails devrait être mis aux normes européennes jusqu’à Donostia. Mais une autre solution est possible : “On peut optimiser la rupture de charge”, explique Julien de Labaca, de l’agence d’urbanisme Atlantique Pyrénées (Audap). C’est-à-dire tout simplement permettre aux passagers de changer de train à Irun ou Hendaye en ayant la correspondance directement sur le quai avec une billétique commune et un horaire coordonné. La correspondance du TER pourrait se faire ou avec Donostialdea ou avec le réseau Renfe qui met dix minutes de moins pour aller à Donostia. Dans ce cas, malgré la rupture de charge, il faudrait un peu moins d’une heure pour rallier Bayonne à Donostia contre 50 minutes dans le cas d’une ligne directe. Mais le premier problème à régler est de savoir s’il y a un potentiel de voyageurs pour cette liaison. Surtout que Jean Grenet parlait d’un “cadencement” toutes les 20 minutes “comme un RER”. Pour cela, une étude des déplacements “transfrontaliers” intitulée “Transfermuga” a été menée par l’Audap sous l’égide de l’eurorégion. Selon J. de Labaca, de l’Audap, l’étude montre qu’il y a plus de véhicules légers qui passent sur le pont de Béhobie ou le pont Saint-Jacques qu’au péage de Biriatou. Il y a donc une pertinence au projet au moins à partir de Hendaye, et même “depuis Saint-Jean-de-Luz”, estime J. de Labaca qui explique qu’il ne faut pas “réfléchir uniquement en terme de trajets domicile-travail” : il évoque les achats, les soldes et certains événements. Mais pas de quoi remplir un train toutes les 20 minutes jusqu’à Bayonne. D’ailleurs, en terme de “cadencement”, côté nord de la Bidassoa, on parle plutôt maintenant d’un train toutes les heures. Pour Victor Pachon, du Cade, la réapparition de ce projet n’est qu’un leurre destiné à donner un argument en faveur de la nouvelle ligne LGV. “Il y a 12 millions de voyageurs côté sud, mais entre Bayonne et Hendaye, il n’y en a que 18000 par an. Le projet serait un gouffre financier.”
Source http://www.lejpb.com/paperezkoa/2013021 ... -voyageurs