Quelle offre ? Quelle gouvernance ? Quel financement ?
Devenues autorités organisatrices du TER le 1er janvier 2002 (hors Ile-de-France et Corse), les Régions se sont impliquées très sérieusement dans la gestion du TER.
Les gares et le matériel roulant ont été modernisés. Certaines régions (Midi-Pyrénées, Auvergne, Limousin) ont participé au financement de la régénération des voies ferrées.
Les fréquences renforcées ; le nombre des circulations quotidiennes a doublé. Des services interrégionaux ont été créés. Des tarifications attractives ont été introduites. L’intermodalité (rabattements, tarification et billetterie, information) a été développée.
Le public a réagi favorablement à ce renouvellement de l’offre : la fréquentation du TER a augmenté de plus de 50%.
La qualité de service
La qualité de service du TER laisse fortement à désirer dans de nombreuses régions (trains supprimés, en retard ou surchargés).
Des progrès ont été observés dans certaines régions depuis l’hiver dernier, en particulier en PACA, malgré les nombreux travaux en cours qui perturbent l’ensemble des services ferroviaires, mais une situation acceptable n’est pas observée dans l’ensemble des régions, en particulier sur les lignes de l’étoile de Lyon.
Le fond du problème
La congestion routière, la hausse du prix des carburants, l’allongement des distances domicile-travail liée à la concentration croissante des emplois dans les grandes villes, et la sensibilité du public aux enjeux environnementaux (dépendance pétrolière, dérèglement climatique) renforcent la demande.
Mais, face à la hausse des coûts d’exploitation et des péages, et faute de marge de manoeuvre financière (baisse des recettes fiscales, montée des dépenses sociales) et d’autonomie fiscale, les régions n’arrivent plus à répondre à cette demande croissante. On observe même des replis discrets de l’offre (comme dans les transports urbains et départementaux). Des commandes de matériel roulant sont menacées.
Les travaux de régénération du réseau lancés par RFF sont consistants : 13 milliards d’euros seront investis sur la période 2011-2015, le TER en bénéficiera largement. Cependant leur rythme reste insuffisant par rapport aux recommandations du rapport Rivier de 2005, il permet seulement d’éviter une dégradation supplémentaire du réseau.
L’avenir du TER est donc devenu très incertain. Dans ces conditions, on ne peut se contenter de rafistoler le système TER : des innovations radicales sont indispensables.
Train ou car ?
Les remarquables qualités techniques, économiques et écologiques du rail doivent être mieux exploitées. L’offre ferroviaire doit donc être développée. Or les transferts sur route se multiplient, et des lignes ont même été fermées (Montluçon-Ussel), vont l’être (Autun-Avallon) ou sont menacées (ligne du Blanc-Argent en région Centre).
La FNAUT n’est pas dogmatique : le car a un rôle à jouer. Mais quand un territoire est irrigué par une voie ferrée, il faut jouer à fond la carte du train avant de décider un transfert sur route (les horaires sont souvent inadaptés, la voie mal entretenue).
Il est indispensable que les performances des infrastructures ferroviaires soient restaurées et améliorées (suppression des ralentissements, augmentation des vitesses autorisées, points de croisements plus nombreux sur les voies uniques,…).
Des réouvertures sont même nécessaires (Fontenay-Niort par exemple).
Qualité de l’exploitation : le personnel de bord
Une présence humaine à bord des trains est nécessaire pour le contrôle des titres de transport et l’information des voyageurs. Le contrôleur veille aussi à la sécurité ferroviaire et à la sûreté des personnes ; sa présence peut rassurer les voyageurs.
La circulation du train à agent seul (le conducteur) est cependant acceptable :
- pour les RER, Transilien et trams-trains (Mulhouse-Thann, Nantes-Clisson, …) ;
- si, exceptionnellement, le contrôleur ne se présente pas au départ d’un TER, et si le train est équipé (fermeture automatique des portes, vidéosurveillance) ;
- sur les lignes rurales à faible trafic, dont l’équilibre économique est fragile et la pérennité mal assurée (mieux vaut un train exploité à agent unique qu’un autocar à agent unique soumis aux aléas et dangers de la circulation routière).
La répartition actuelle des compétences entre régions et départements
Elle ne permet pas une coordination satisfaisante (services, tarification) entre trains et cars, trop souvent concurrents alors qu’une meilleure complémentarité apporterait des économies d’exploitation et des recettes supplémentaires. Dans les Alpes-Martimes, des cars à 1 euro le trajet concurrencent le train Nice-Digne sur le même itinéraire. Dans les Hautes-Pyrénées, des cars TER et départementaux se font concurrence entre Tarbes et Bagnères-de-Bigorre. Le
Conseil général de Haute-Savoie vient de lancer un service de cars express Saint-Gervais - Genève qui concurrence frontalement le TER.
Comme le propose judicieusement Gilles Savary dans un rapport récemment remis à l’Association des Régions de France, un approfondissement de la décentralisation est nécessaire. Mais il faut aller plus loin que les préconisations de ce rapport, qui reste prisonnier du schéma institutionnel existant.
Une politique cohérente à l’échelle régionale
La FNAUT souhaite une organisation rationnelle des déplacements de proximité, qui relève essentiellement des régions et des agglomérations : il faut répartir l’essentiel des compétences transport et routes des départements entre les régions (lignes interurbaines, routes) et les agglomérations (lignes périurbaines) afin de permettre des choix cohérents. Les départements ne conserveraient que la responsabilité des transports en zones de faible densité (scolaires, services de marchés).
L’économie du TER est à bout de souffle, ce qui incite les régions à se tourner « vers des solutions moins coûteuses que le rail », comme dit pudiquement le rapport Savary. Or on peut éviter une paupérisation du TER : c’est un problème de volonté politique.
Economies
Le Grenelle de l’environnement est maintenant passé de mode. La mise au point du Schéma National des Infrastructures de Transport donne lieu à un retour en force des projets routiers, voire même aéroportuaires. Les régions doivent cesser de subventionner les travaux routiers, et concentrer leur intervention financière sur le TER.
Comme la Cour des Comptes, les responsables des régions constatent que le service TER réalisé par la SNCF est coûteux (malgré le développement de l’offre, la productivité n’a pas augmenté). Mais ils refusent toute ouverture du TER à la concurrence. Le rapport Savary propose de l’expérimenter aux services abandonnés par la SNCF ou aux nouveaux services créés en cas de réouvertures de lignes. La FNAUT estime qu’elle doit concerner aussi les lignes à faible trafic où des économies d’exploitation peuvent jouer un rôle crucial et permettre d’y pérenniser et développer les services ferroviaires.
Fiscalité
La FNAUT refuse qu’une part de la future taxe poids lourds soit affectée au TER, comme le propose le rapport Savary. Cette solution de facilité est très dangereuse : les crédits destinés aux infrastructures ferroviaires seraient diminués d’autant ; d’autre part cette taxe doit impérativement financer en priorité le développement du fret ferroviaire.
La FNAUT est par contre favorable à une extension du versement transport des entreprises à l’ensemble du territoire, à un taux modeste pour ne pas pénaliser les entreprises implantées en milieu rural. Une hausse du versement des entreprises urbaines, qui bénéficient du transport régional et pas seulement du transport urbain, a été suggérée par le rapport Savary.
Il est enfin souhaitable et légitime d’augmenter la part régionale de la TIPP, l’automobiliste étant loin d’assumer les coûts économiques, écologiques et sociaux d’usage de son véhicule, et d’affecter son produit au TER. Il en résulterait une hausse du prix des carburants négligeable devant celle qui est liée à la hausse du prix du pétrole (+ 10 dollars le baril = + 5 centimes le litre de carburant).
Tarification
Le TER est actuellement sous-financé, les tarifs doivent mieux refléter les coûts d’exploitation et tenir compte de la capacité contributive des usagers : un service public dont les tarifs s’écartent trop de la réalité économique doit être fortement subventionné et il est fragilisé en cas de baisse de la volonté politique. Des tarifs trop faibles favorisent par ailleurs un allongement des distances parcourues. Augmenter, de manière progressive et très modérée bien sûr, les tarifs proposés à la clientèle solvable n’est donc pas absurde (étant entendu que les usagers modestes doivent disposer de réductions ciblées, et que les déplacements occasionnels et familiaux sont déjà trop coûteux).
Mais cette perspective est prématurée : il faut auparavant que la qualité du TER soit restaurée dans l’ensemble des régions, que les dépenses routières des régions disparaissent, que les effets attendus de l’ouverture à la concurrence aient été testés, que le versement transport des entreprises ait été généralisé, et que la part régionale de la TIPP ait été augmentée.
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