Les hirondelles prennent le train
123 km entre Dole et Saint-Claude, 36 tunnels, 18 viaducs : la ligne ferroviaire des hirondelles est une ode trissante et aérienne aux merveilles du Haut-Jura. Attention à la fermeture des portes…
D’elle, Raymond Devos aurait dit qu’elle n’a pas de sens. Drôle de ligne en effet qui impose à notre fringant autorail diesel – on aurait préféré une vieille locomotive à vapeur… – de changer trois fois de direction en une centaine de kilomètres pour s’adapter au relief tout en plateaux et reculées et, surtout, ne rien perdre d’un paysage qu’en son temps, Auguste Pointelin aima peindre tout en poésie et en tendresse.
Exploitée depuis 2003 par les Offices de tourisme de Dole et Saint-Claude et le TER Franche -Comté sur la base d’une liaison commerciale préexistante, la ligne des Hirondelles emprunte, aller-retour, un parcours imaginé fin 19 e et dont l’audace technique le dispute à la beauté des paysages : 123 km, entre Dole et Saint-Claude via 36 tunnels et 18 viaducs, chef-d’œuvre du génie de l’homme enchâssés dans un écrin merveilleusement naturel, voire surnaturel lorsque le train, en équilibre entre deux à-pics, comme flottant entre ciel et terre, laisse derrière lui le col de la Savine (948 m) pour plonger, deux cents mètres plus bas sur, Morez, capitale de la lunette, et trois cents autres mètres plus bas sur Saint-Claude et ses pipiers.
Les pauvres mains des ouvriers
Il y a là sans aucun doute une véritable prouesse technologique pour les bâtisseurs de l’époque dont André Besson, l’emblématique écrivain franc-comtois, et les Moréziens diront qu’ils tutoyaient les hirondelles tant ils opéraient près des nuages. Il en sera ainsi près d’un demi-siècle, le temps, notamment, de relier Andelot-en-Montagne et Saint-Claude et de percer 25 tunnels pour venir à bout d’une nature si belle mais franchement hostile. A l’époque, point de tunnelier mais les seules pauvres mains des ouvriers, pour beaucoup venus d’Italie et, au bilan, beaucoup de sueur et des larmes aussi : le risque était partout, compagnon de route au quotidien. Mais pour quel résultat !
Comme un apéritif…
Reste qu’au-delà des considérations techniques, le grand mérite de cette ligne des Hirondelles (qui vient tout juste de fêter son centenaire) est d’ouvrir grand les portes du Haut-Jura. Comme un apéritif appelle le bon repas et augure de plaisirs à venir. Ce jour-là, Jean-Pierre Cuinet, retraité bénévole, est le guide-animateur du petit groupe. 35 personnes au départ de Dole, pour l’essentiel des gens du cru. Une chorale autochtone en ballade entre deux balades. Jean-Pierre ? L’encyclopédie de la ligne des Hirondelles.
Un peu plus de deux heures durant, le temps de gagner Saint-Claude en doublant Arc-et-Senans (la saline royale), Arbois (son vin), Mouchard (la gare préférée d’Edgar Faure), Champagnole (la porte d’entrée du Haut-Jura), Syam (les forges) et Morbier (le fromage), il va très joliment raconter le parcours, son histoire, celle de la région, pimentant son exposé magistral de petits secrets et d’anecdotes. Comme icelle : les aiguillages de la ligne sont gérés depuis Dijon à l’exception de celui de la gare d’Andelot ; du coup, c’est le chef de gare lui-même qui doit enfourcher son vélo, été comme hiver, pour aller régler le dispositif à 200 m de là… Furieusement Tati, non ?
Les exploitants de la ligne des Hirondelles proposent, au départ de Dole et trois fois par semaine, un aller-retour dans la journée avec notamment une formule Prestige à 55 € incluant le transport avec guide et, à Saint-Claude, le repas de midi dans un restaurant, la visite du musée de la pipe et du diamant et de la cathédrale ainsi qu’un pot d’au-revoir à la gare avec, évidemment, comté et vin du Jura. Jusqu’à la mi-octobre.
Source http://www.lalsace.fr/loisirs/2012/09/2 ... t-le-train