Travaux de la gare : erreurs de conception et retards dans les délais pointés du doigt
En plus des sept mois de retard dans les travaux, l'oubli de l'issue de secours dans le parking ou d'un bassin de rétention d'eau entraînent des frais supplémentaires non négligeables. En plus des sept mois de retard dans les travaux, l'oubli de l'issue de secours dans le parking ou d'un bassin de rétention d'eau entraînent des frais supplémentaires non négligeables.Un récent rapport fait état de retards dans les travaux et d'erreurs de conception sur le chantier du futur pôle multimodal de la gare.
18 mois de travaux, près de 12 millions E : la nouvelle gare d'Annecy est en chantier depuis près d'un an déjà. A l'automne, la première pierre du futur pôle d'échanges multimodal a été posée en grande pompe, et, chaque jour, les engins de chantier s'animent pour que tout soit prêt dans les délais impartis : avant la fin 2012.
Un récent rapport de la SED 74, chargée pour le compte de la C2A de veiller au bon déroulement des travaux, et que s'est procuré l'Essor Savoyard, tire pourtant la sonnette d'alarme en faisant état d'une défaillance de la maîtrise d'oeuvre (voir lexique) qui a « des répercussions importantes sur le plan technique, financier et sur le planning de l'opération ». En effet, l'exécution des travaux aurait sept mois de retard.
Les 200 000 E consacrés aux aléas déjà utilisés Autre incidence : l'enveloppe de 200 000 E consacrée aux aléas de chantier est déjà consommée, ce qui inquiète un élu, surpris que le président de la C2A ne réagisse pas plus tôt : « Je ne sais pas comment nous allons financer les prochains aléas » . Et d'ajouter : « Dans ce dossier, Jean-Luc Rigaut a deux casquettes : ingénieur de la SNCF et président de la C2A.
C'est peut-être grâce à cette casquette qu'on a eu une prise en charge supplémentaire de la part de la SNCF », mais ce serait aussi cette position délicate qui l'empêcherait de taper clairement du poing sur la table.
Un « bazar d'amalgames certes injustifiés », mais qui pourrait tout de même laisser des traces, craint un autre élu. Il voit en ces cafouillages l'illustration que le « cumul de ses multiples mandats empêche le président de la C2A de suivre correctement ses dossiers », et ajoute que la SED 74 et la SNCF « ne seront jamais et totalement sur le marché de la concurrence » (lire ci-dessous).
Car la liste de "couacs" et de leurs surcoûts s'allonge. Les travaux supplémentaires validés par la commission d'appel d'offres, assez classiques sur de tels chantiers, s'élèvent à près de 61 335,26 E, et comprennent par exemple la mise en place d'une signalétique provisoire (9 090,26 E), le traitement du plomb sur les structures métalliques à démolir (16 300 E), ou la location de bungalows pour les taxis (8 844 E).
Travaux supplémentaires pas encore validésEt puis, il y a les "oublis "significatifs de la maîtrise d'oeuvre, comme l'issue de secours dans le parking souterrain, entraînant sa neutralisation et des frais supplémentaires pour un montant de 31 729,32 E. Pour le moment « le bilan actuel ne prévoit pas de montant pour le dédommagement des pertes d'exploitation du parking Effia », souligne la SED 74. Il en est de même avec l'oubli de la dépose et repose d'une barrière, facturé 3 252,73 E.
Autre objet de dépense supplémentaire, la dépose d'un transformateur : 90 000 E, auxquels s'ajoute une plus value de 70 000 E à la SNCF qui s'occupera des travaux. Pour des raisons techniques, ce transformateur n'a pu être déposé dans les délais, car des sondages supplémentaires ont dû être effectués (1489,36 E). Ainsi, le sciage complémentaire dû à ce retard coûte 5 550 E.
Une dépense complémentaire et non négligeable est également mentionnée dans ce rapport : la création d'un bassin de rétention d'eaux pluviales, conformément à la réglementation en vigueur. Dans un premier temps, la maîtrise d'oeuvre a annoncé un coût de 100 000 E pour ces travaux.
Mais le devis a été revu à la hausse et s'élève aujourd'hui à 216 000 E HT.
En tout et pour tout, les "erreurs ou oublis "de la maîtrise d'oeuvre s'élèvent à 258 020 E HT.
La SED 74 explique qu'elle a, à de nombreuses reprises, fait part à la maîtrise d'oeuvre de son « mécontentement dans l'exécution de leur prestation et en leur demandant de prendre les mesures nécessaires au bon déroulement de l'opération », et souligne que des travaux ont été réalisés sans l'accord préalable de la maîtrise d'ouvrage.
Et de conclure : « Il est à noter que des erreurs de conception comme l'oubli de la sortie de secours et la non prise en compte de réglementation d'urbanisme pour les bassins de rétentions, ont des incidences fortes sur le planning et le coût de l'opération ».
Affaire à suivre...
QUI FAIT QUOIMaître d'ouvrage : la SNCF pour la gare elle-même et la C2A pour le reste. Le maître d'ouvrage est celui qui est propriétaire in fine, qui commande et qui paye l'ouvrage.
Maître d'oeuvre : le maître d'ouvrage fait appel à un ou plusieurs maîtres d'oeuvre qui réalisent. Dans ce cas : il y a un maître d'oeuvre études (architecte...) qui est Arep, une agence d'architecture, filiale de la SNCF. Le maître d'oeuvre travaux en charge de la réalisation est GTM.
La SED 74 est assistant à maîtrise d'ouvrage (AMO) dans ce dossier, elle est "l'expert" du maître d'ouvrage.
Le rôle exact de la Société d'Equipement DépartementaleDirigée par Denis Duvernay, Président directeur général et Philippe Gouyou Beauchamps, directeur, la SED 74 a son capital réparti entre des actionnaires publics à hauteur de 67,55 % et des actionnaires privés pour 32,45 %. SED 74 favorise donc la collaboration entre public et privé.
Pour le chantier du pôle multimodal, elle a la casquette d'assistante à maîtrise d'ouvrage et ses missions sont les suivantes : animation des groupes de pilotage inter-maîtres d'ouvrage ; pilotage des études ; rédaction des conventions financières entre les partenaires, suivi administratif, technique et financier de l'opération ; gestion des coûts et des délais ; gestion comptable et financière.
Dans ce dossier de la gare, certains élus ont jugé trop "laxiste" l'action de la SED 74. « D'un côté il y a la SNCF (Ndlr : via Arep, en charge de la maîtrise d'oeuvre études) et de l'autre la SED qui est parapublique. Elles ne seront jamais et totalement sur le marché de la concurrence » . Une accusation balayée d'un revers de main par le directeur de la structure : « Je ne vois pas objectivement de liens qu'il pourrait y avoir entre la composition du capital de la SED et la gestion de notre société sur un certain nombre de dossiers. (...) Cela se saurait si ça posait des problèmes de conflit d'intérêt ».
Selon Philippe Gouyou Beauchamps, le rapport aurait dû rester confidentiel... « C'est une note interne entre la SED mandataire pour le compte de l'agglo, et la présidence de la C2A », explique-t-il. « Notre mission est de dresser un état des faits de donner des conseils pour résoudre ces problèmes au profit de l'agglo. Au nom de l'agglo nous avons le droit de dire on arrête les frais si l'agglo nous en donne la mission ». Selon le directeur, ce rapport est le recueil d'un certain nombre d'avertissements à propos desquels « l'agglo était au courant ».
Jean-Luc Rigaut : « J'ai assez confiance dans l'exécution de ces chantiers »Le président de la C2A et maire d'Annecy ne se dit pas alarmé par les conclusions du rapport de la SED74.
Où en est-on dans les travaux de la gare ?Aujourd'hui, ce qui est sûr, c'est qu'en terme de planning, il y a eu du retard au démarrage. Mais le planning est "large" et normalement les travaux seront bien terminés fin novembre 2012 ».
La SED 74 attire l'attention sur les délais non respectés et les surcoûts liés aux travaux supplémentaires à réaliser... « Il y aura une réunion prochainement de nos services avec le maître d'oeuvre études pour voir ces affaires-là »
Comment sont financés ces travaux supplémentaires ?« Ils sont actuellement financés sur l'enveloppe aléas et imprévus. Il faudra voir au moment de la réalisation, on est encore à un an de la fin... »
Des travaux supplémentaires ont pourtant été faits sans l'aval du maître d'ouvrage... « Il y a des travaux non prévus au marché qui sont indispensables à faire. C'est le but des réunions entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre. Ils sont là pour faire le point une fois par semaine. Si des travaux supplémentaires étaient à faire et que tout le monde en convient, il faut laisser les gens faire leur boulot en interne ».
Oui, mais dans ces travaux, il y a des oublis significatifs !« Que le bassin soit fait c'est une chose, qu'il soit pris en charge par Pierre, Paul ou Jacques, c'est autre chose. J'ai assez confiance dans l'exécution de ces chantiers. Les arbitrages ne sont pas rendus à ce jour.
Chacun préserve ses intérêts. Il y a des oublis à la charge de ceux qui ont oublié et des impondérables. Tout ça, c'est de l'arbitrage.
Constatez-vous des défaillances du maître d'oeuvre ?« Là, je ne constate pas de défaillances, je constate quelques carences d'Arep qui ne remettent pas en question les délais, les prix. Il faut peut-être leur mettre un petit coup de pied aux fesses pour qu'ils soient plus appliqués sur le chantier. »
Pour Denis Duperthuy : « L'agglo devrait se retourner contre ceux qui ont mandaté les travaux »En découvrant le dossier, Denis Duperthuy, élu socialiste, pointe du doigt deux responsables : les architectes « qui ne font pas leur boulot correctement. (...) Ils savent que les collectivités locales mettront la main à la poche sans trop rechigner », mais aussi « le maître d'ouvrage qui, systématiquement, accepte de rallonger l'enveloppe alors qu'il devrait se retourner contre les maîtres d'oeuvre en attaquant leur devoir d'expertise, de conseil ». Il déplore que ce genre de faits se soit déjà produit sur Annecy (ndlr : l'Arcadium, les pavés de la vieille ville ou l'esplanade Paul Grimault). « L'agglo devrait se retourner contre ceux qui ont mandaté les travaux pour dire stop. Il y a un laxisme total de la part des financeurs ». Il regrette que la C2A « commence à desserrer les contrôles », expliquant que de tels faits étaient moins courants auparavant. « Peu importe le prix, du moment qu'on ait l'ouvrage », résume-t-il, en appelant à davantage de sévérité : « Il faut engager la responsabilité des maîtres d'oeuvre qui ne font pas leur boulot. » Denis Duperthuy, qui compte réagir à ce sujet lors du prochain conseil communautaire, déplore par ailleurs que les rallonges soient faites « en dehors de tout cadre juridique », et conclut : « d'un côté, il s'agit de serrer les vis partout, au niveau des associations, des rémunérations du personnel... Par contre, tout ce qui est travaux d'investissement, là, c'est la fête ! »