Canfranc, la renaissance d’une gare fantôme au cœur des Pyrénées
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Aujourd’hui, le projet de réouverture de la ligne de Canfranc est porté par le Créloc (Comité pour la réouverture de la ligne Oloron-Canfranc) qui a d’ores et déjà obtenu, au terme d’un âpre combat, le maintien de la ligne jusqu’à Bedous. Mais la victoire ne sera pas aussi facile pour les 32 km restants, ceux du tronçon Bedous-Canfranc, dont les travaux d’études viennent seulement de commencer. Avec l’aide de l’Europe, le présidentde la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, est un défenseur de cette liaison. Et toute son énergie est nécessaire face aux détracteurs qui pointent la dépense face au nombre de passagers actuels. À quoi l’elu rétorque que la ligne ne sera utilisée par les passagers et pour le fret que quand elle sera terminée de bout en bout.
Désenclaver la vallée de l’Aspe
Côté espagnol, les choses sont plus claires. D’abord parce qu’à l’inverse des Français, ils ont respecté la convention de 1928 qui interdisait à chacune des parties d’interrompre la ligne sans l’accord de l’autre, et surtout parce que le trajet jusqu’à Canfranc est toujours resté en service, même s’il ne s’agit que de deux allers-retours par jour effectués par un petit autorail pour quelques dizaines de passagers. De plus, la partie espagnole présente moins d’ouvrages d’art à entretenir. La région de l’Aragon est désormais propriétaire de la gare, et elle affiche une volonté politique sans faille. Ses dirigeants ayant compris que l’enclavement de cet ancien royaume est un frein à son développement, et qu’une ouverture vers la France serait très bénéfique. D’autant plus que sa capitale, Saragosse, est désormais un point d’arrêt de la ligne à grande vitesse entre Barcelone et Madrid. Et puis, il y a une fierté tout espagnole face à ce bâtiment extraordinaire que l’on vient voir depuis les quatre coins de la Péninsule.
En France, Alain Rousset continue à peser de tout son poids dans la balance pour une réouverture de la ligne, contre vents et marées: non seulement contre ses détracteurs, mais aussi contre la mauvaise volonté manifeste de la SNCF. Pour autant, si l’État freine des quatre fers, l’Europe participe aux travaux de rénovation au motif de l’interconnexion des pays membres.
Sûre du soutien de Bruxelles, l’Espagne met les bouchées doubles. Les voies ont été préparées pour l’écartement international afin de recevoir les trains venus de France, et une nouvelle gare a vu le jour à côté du bâtiment historique. Les 18 hectares de l’emprise ferroviaire au milieu des montagnes ont été repensés. Le bâtiment principal est en train d’être restauré pour devenir un hôtel 5 étoiles, dans lequel on entrera par l’incroyable vestibule Art déco, et sera doté d’une centaine de chambres. Sur le terrain, les équipes de l’entreprise Acciona, le géant espagnol des travaux publics, s’affairent sous la direction de Jaime Molina Cuadron, le chef de chantier. Pour notre visite, José Luis Soro Domingo, ministre régional de l’Organisation du territoire, de la Mobilité et du Logement de l’Aragon, a tenu à nous rencontrer ; et il a fait le voyage jusqu’à Canfranc pour nous faire les honneurs du lieu. On mesure à ce simple geste la volonté farouche de cette région, de voir rouverte cette ligne historique.
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