Arnaud Rabier : "L'indépendance n'est pas un effet de mode mais une lame de fond"
L'association AGIR qui regroupe les réseaux de transport public indépendants tient congrès les 24 et 25 septembre 2012 à Bourg-en-Bresse. L'occasion pour Arnaud Rabier, son secrétaire général, de revenir sur le passage en régie des transports niçois et cannois. Signe de la défiance des élus vis-à-vis des opérateurs privés, selon lui.MobiliCités : AGIR compte aujourd’hui 115 adhérents, contre 60 en 2009. Cela traduit une vraie poussée de l’indépendance en France ou est-ce un effet conjoncturel ?Arnaud Rabier : La tendance actuelle s’apparente plus à une lame de fond plutôt qu’à un effet de mode. Les premiers réseaux passés d’une délégation de service public (DSP) à une régie sont Cholet et Toulouse, et nous étions au milieu des années 2000. Cette poussée d’indépendance n’est donc ni nouvelle, ni conjoncturelle. Cette tendance n’est pas forcément liée à la DSP qui est un bon outil. Le choix de la gestion directe se justifie pour plusieurs raisons.
La première tient à une certaine défiance des élus vis-à-vis des opérateurs privés. Dans certaines régions, il y a une réelle absence de concurrence. Autre raison, l’intérêt économique et fiscal lié notamment à l’exonération de la taxe sur les salaires. Cela représente des sommes importantes. Aujourd’hui, opter pour la gestion directe n’est plus du tout dogmatique. D’ailleurs, il y a autant de villes administrées par des élus de droite et de gauche qui décident de créer un opérateur interne. Leur choix est réellement guidé par une recherche de performance à la fois technique et économique du réseau. Autre facteur qui joue en faveur de la gestion directe : la confusion née de la fusion puis du divorce entre Veolia et Transdev. Tous ces facteurs font que les élus ont perdu confiance dans les opérateurs privés.
Nice et Cannes ont récemment décidé de passer en régie dans des conditions assez surprenantes : Christian Estrosi, a pris la décision en un week-end après des fuites dans la presse, tandis que Cannes a opté pour la gestion directe après une histoire d'enveloppes inversées. Ces décisions ne semblent pas très réfléchies. Quelle est votre analyse ?Dire que Christian Estrosi a pris une décision irréfléchie est un raccourci. Il faut se souvenir qu’il a été ministre de l’Industrie. Donc, ce n’est pas quelqu’un qui prend des décisions à la légère. Dans une interview accordée à l’AFP, il explique que plus il avance dans son parcours politique, plus il est convaincu que l’administration d’un grand service par une collectivité apporte de l’efficacité et répond aux attentes des usagers. Alors qu’on ne sait pas encore si Nice va créer une régie ou une Société publique locale (SPL), le fait est que les élus et les techniciens sont très motivés.
A Cannes, c’est vrai que le passage en régie relève dans un premier temps d’un choix contraint lié à une erreur administrative. Mais le président Jean-François Tonner a déclaré que "c’était peut-être un mal pour un bien". Même si les élus n’ont pas prioritairement opté pour la gestion directe, aujourd’hui ils estiment que c’est la solution pour leur collectivité. Notamment pour la mise en place du futur Bus à haut niveau de service. Ils auront, en effet, davantage de souplesse avec leur opérateur interne.
"Économisez plus, dépensez moins" : c'est le thème des journées AGIR fin octobre, à Bourg-en-Bresse. Pourquoi cette thématique ?Aujourd’hui, le contexte est très complexe pour les collectivités locales. Elles doivent de plus en plus procéder à des arbitrages financiers difficiles. L’un des objectifs des journées AGIR est de présenter un certain nombre de retours d’expériences : en matière de mode de gestion, d’optimisation des réseaux et d’achats. L’idée est d’aider les collectivités à réaliser des économies en leur donnant plusieurs pistes et de les accompagner pour maintenir leur réseau à niveau.
Le conseil général d’Ille et Vilaine expliquera quelles économies il a pu réaliser en créant une régie partielle, par exemple. Sur les achats, la question se pose : est-il plus intéressant d’acheter le matériel roulant que de le louer ? En septembre 2011, AGIR a créé une centrale d’achat du transport public à qui le département du Tarn a confié l’acquisition de 80 autocars. Nous avons réalisé la procédure, étudié tous les cas. Finalement le Tarn a opté pour la location longue durée car c’était plus avantageux. C’est ce que viendra démontrer le directeur de la SPL.
Quelles sont les ambitions d’AGIR ?La régie est devenue une alternative crédible à la DSP. L’objectif d’AGIR n’est pas que toutes les collectivités passent en régie. Nous souhaitons que les élus aient le choix, qu’ils soient bien informés et sachent comment fonctionne une régie, quels sont les avantages. A la suite de quoi, s’ils franchissent le pas, nous faisons en sorte de les accompagner et qu’ils puissent bénéficier du benchmark des autres collectivités.