Bus et tram à Nice: le renouvellement du marché inquiète la CGT
Selon le journal Les Echos , une filiale de la SNCF pourrait souffler le marché métropolitain à Véolia,
son actuel titulaire. Ce qui plomberait le projet de restructuration du réseau bus, selon la CGT.Richard RayLe syndicat « s’interroge sur les reports successifs de la date d’attribution de la délégation de service public » du réseau bus et trams, alors que Véolia et Kéolis se livrent un duel acharnéRien ne va plus, ce mois-ci, entre la CGT et Christian Estrosi. Après l'affaire de la Bourse du travail de la place Saint-François, dont l'union départementale CGT se sent dépossédée par le maire (1), la CGT a ouvert un nouveau front contre lui, cette fois en sa qualité de président de la métropole.
La CGT-ST2N vient de dénoncer le retard pris par Nice-Côte d'Azur pour le renouvellement du marché (une délégation de service public, ou DSP) des transports urbains (bus et tramways), actuellement dévolue à Véolia. Un coup de gueule qui survient alors que la presse nationale, en particulier le très sérieux quotidien économique Les Echos, a émis des doutes, avant-hier, sur la capacité de Véolia à rester délégataire du réseau métropolitain face à son rival Kéolis, une filiale de la SNCF.
La métropole dément« La CGT-ST2N s'interroge sur les raisons des reports successifs de la date d'attribution de la délégation de service public, initialement fixée à la fin du premier trimestre 2012 et reportée au début de l'année 2013 », écrit le syndicat des traminots dans un communiqué (lire ci-contre). À la métropole, Alain Philip, l'élu en charge des transports, dément vigoureusement : « Il n'y a pas de changement sur le délai prévu, qui reste le 30 juin. S'il y avait prolongation, elle serait liée aux offres que nous recevrons. »
En clair, le seul report reconnu est celui du 31 mars, date de la fin de la précédente DSP, au 30 juin. « On est en conformité avec la loi sur ce point », insiste Alain Philip qui en profite pour mettre en garde tous les protagonistes : « On est en négociation en ce moment. Ça oblige tout le monde à un devoir de réserve total. » Visé, tout autant d'ailleurs que Véolia et son concurrent Kéolis, l'informateur anonyme des Echos.
Les difficultés de Véolia« Selon un observateur du secteur, écrit notre confrère,le fait que les élus prennent leur temps est de bon augure pour le challenger : "C'est le signe que l'offre de Kéolis a intéressé les élus." »
Replacée dans le contexte de Véolia, l'information n'est pas anodine. Le groupe, toujours en proie à une campagne de règlements de comptes à sa tête, a mis en vente Transdev, sa filiale transports, alors que celle-ci est notamment plombée par les résultats de sa filiale maritime SNCM. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, Véolia a perdu l'an dernier les marchés des transports de Metz, Orléans et Aix-en-Provence, ne conservant que ceux de Valence et Romans. Or, celui de Nice, estimé à 140 ME de chiffre d'affaires annuel, est l'un des plus juteux…
De quoi, sans doute, inquiéter les décideurs au moment de renouveler la DSP ? Non, assure Alain Philip : « Le report de notre choix n'a rien à voir avec les difficultés de Véolia ou sa décision de vendre la branche transports. Cet article des "Echos" ne reflète en rien la réalité : nous maintenons les deux concurrents à égalité ! Je ne vois pas qui peut dire aujourd'hui qu'untel a plus de chance que l'autre. Mais s'agissant d'un des plus gros budgets de la métropole, on prend des précautions, c'est tout. »
Les inquiétudes de la CGT, l'élu les balaie : « Ils font pression sur leur employeur, c'est leur boulot. Mais le règlement de la consultation s'applique aux deux candidats et intègre totalement ce qu'ils ont déjà négocié. »
Un enjeu aussi pour les usagers des bus ?Selon Michel Otto-Bruc et Pascal Delire, « le report de l'attribution de la prochaine DSP contraint au blocage des négociations annuelles obligatoires et à celui de la reconduction de l'accord sur l'intéressement », mais aussi « à la nécessaire restructuration du réseau bus ». Un projet dont la CGT revendique la paternité et qui a été annexé « à 90 % » à la réponse de Véolia dans sa mise en concurrence.
Le syndicat l'avait décrit dans Nice-Matin du 22 octobre dernier. Il vise à « marier des lignes », à « mutualiser des terminus » et aussi à « résoudre les problèmes de correspondance avec le tram ». « Si l'attribution de la DSP n'a lieu qu'en décembre prochain,assure la CGT, on ne pourra pas améliorer le réseau avant septembre 2013, au mieux… »
Sur les raisons du report, la CGT a son idée : « La métropole fait du dumping, estime Pascal Delire. Mais sur un réseau en pleine expansion (80 % de voyageurs en plus en cinq ans), ça n'a pas de sens ! » Gérard Giordana, lui, rappelle que « la Société du personnel des transports niçois est actionnaire de la ST2N pour 5 % : si demain Véolia n'est pas choisie, ça veut dire qu'on écarte le personnel ! » Et d'annoncer qu'un préavis de grève pourrait être déposé pour le 1er juin. Rare à la ST2N…
Francis Lumineau